Cet ouvrage débute par la correspondance aussi kafkaïenne qu’imaginaire entre le père du narrateur et le consul général des EU à Berlin dans les années 30...Et alors que l'on s'attend à être précipité directement au cœur de l' horreur nazie, l' auteur nous propulse illico dans le ventre miséreux de NY au sortir de la guerre où nous suivons pas à pas le quotidien de Jacob Bronski, juif immigré rescapé pour qui la survie semble passer par l’écriture d’un roman racontant son expérience.
On le voit s'atteler à la tâche avec une belle énergie,et un enthousiasme incroyable étant donné le sujet affiché mais on ne voit rien venir de l' horreur qu'il dit vouloir nous raconter. A la place nous sommes happés par le récit truculent de son combat au quotidien pour trouver du travail, avec toutes ses pérégrinations et petites combines pour y arriver.
Durant tout ce temps Hilsenrath rend sensible son plaisir d'écrire, cet exutoire vital pour son héros plongé dans un grand dénuement matériel et une grande solitude affective ( loin de sa famille qu’il semble fuir, loin de l’idée de trouver l’Amour avec une américaine, se contentant de la bouche d’une prostituée pour soulager sa queue aussi impérieuse que sa plume, ce n'est pas moi qui établit ce parallèle mais Hilsenrath lui même pour qui soulagement de l' un permet épanouissement de l' autre...)
C'est ainsi que peu à peu Hilsenrath nous dévoile son jeu à travers son double Bronski, il cherche désespérément le déclic qui lui permettrait de nous relater son expérience de la Shoah.... Mais ce n'est qu' après être passé par les tours et détours d'un imaginaire débridé, recréant l'indicible pour mieux atteindre la vérité, qu'il y parvient. De cette façon il comble ce trou béant de sa mémoire qui refusait de se libérer et plutôt que de savoir précisément ce qui lui est arrivé là bas dans l'Europe soumise à l' horreur nazie, Bronski nous dévoile ce qui l' a amené dans cette putain d'Amérique où ce qui compte c'est de trouver à bouffer, écrire dans la langue allemande, sa seule vraie patrie, pour faire revenir son âme qui l'avait déserté après la catastrophe.
Pour Hilsenrath, ce n'est pas l' écriture ou la vie mais l'écriture est la vie.
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