Je n'ai atermoyé cette chronique que trop longtemps. Mon exemplaire trône tout seul sur un coin de mon bureau depuis des mois. Je prends donc mon courage à deux mains pour écrire cette chronique afin qu'il puisse enfin prendre sa place dans ma bibliothèque.
De Jean-Philippe Jaworski, j'ai déjà lu Même pas mort et Janua Vera. Janua Vera est un recueil de nouvelles se passant dans le même univers que Gagner la guerre. On y fait même la connaissance de Benvenuto, le (anti) héros de Gagner la Guerre.
On le retrouve au service du podestat qu'il a manqué d'assassiner dans Mauvaise Donne, au centre d'intrigues politiques dont il est le pantin bien malgré lui. Âme damnée du podestat, il exécute ses ordres avec un certain cynisme.
"Pour faire carrière dans ma branche, il faut avoir le cœur aussi sensible qu'un clou de chevalet.
J'ai beaucoup aimé l'écriture (Jaworski quoi) toujours aussi soignée. De même que l'univers du Vieux Royaume, la ville de Ciudalia, la cohérence de l'ensemble et les descriptions qu'en fait l'auteur. On est plongé à 100% dedans, quitte à ce que ce soit de la fange et du sang."
J'ai par contre un bémol vis-à-vis de l'intrigue. Si elle est intéressante, voire passionnante à maintes occasions, j'ai relevé deux problèmes de rythme au cours de ma lecture. Le premier quand Benvenuto revient à Ciudala après son détour par chez les ennemis de Ciudala, dont le nom m'échappe là tout de suite ; le second lorsqu'il est exilé hors de Ciudalia. Trop long simplement. Ça m'a valu de laisser traîner le bouquin quelque peu.
Croyez-moi, les paltoquets qui se gargarisent de la beauté des flots, ils n'ont jamais posé le pied sur une galère. La mer, ça secoue comme une rosse mal débourrée, ça crache et ça gifle comme une catin acariâtre, ça se soulève et ça retombe comme un tombereau sur une ornière ; et c'est plus gras, c'est plus trouble et plus limoneux que le pot d'aisance de feu ma grand-maman. Beauté des horizons changeants et souffle du grand large ? Foutaises ! La mer, c'est votre cuite la plus calamiteuse, en pire et sans l'ivresse.
L'autre bémol qui m'a empêché de me prendre totalement à l'histoire est que je ne suis jamais arrivée à m'attacher à Benvenuto. Le type est une crapule, certes. Le personnage est remarquablement construit et ce qu'il se prend dans les dents (haha) tout au long du récit a tout pour en faire un de ces anti-héros qu'on adore malgré tout. Le problème est que passé une scène passablement dérangeante dans le premier tiers du livre, j'ai été incapable d'éprouver quoi que ce soit de positif pour ce personnage. C'est donc avec une certaine indifférence émotionnelle que j'ai suivi ses aventures. Cela a peut-être contribué au fait que j'ai trouvé le temps long par moments.
"Ce fut ainsi, par la petite porte, que je m'introduisis dans la famille du Podestat."
Mon édition est la belle édition limitée publiée par l'éditeur l'année dernière. L'objet-livre est très soigné, une perle dirais-je (de 2kilos tout de même). Les pages ont une texture très agréable, la hard cover donne du cachet, jusqu'au bateau stylisée sur la couverture, en passant par les bords des pages rouge (sang). Je ne regrette décidément pas d'avoir investi dans cette édition limitée.
"Notre destin, c'était de gagner la guerre, quitte à détruire ce que nous croyions défendre."
Gagner la guerre est un roman magistral par bien des aspects qui font que j'en conseille la lecture malgré les quelques réticences exprimées ci-dessus. Ce n'est pas un livre aisé d'abord, c'est un livre qui se mérite, qui demande un effort à la lecture. A lire au moment opportun donc.
Lire la chronique sur mon blog