Une langue truculente, un verbe riche et un imaginaire bouillonnant servis par une narration subtile, voilà ce qu’est Gagner La Guerre de Jean Philippe Jaworski. On y découvre à travers les yeux de Benvenuto, un assassin sans scrupules au service d’un politicien encore plus vicieux que lui, la république de Ciudalia, Cité-État majestueuse et prospère qui se révèle être le théâtre de complots infâmes et de crimes sordides. Aux amateurs de Fantasy lassés de lire des récits initiatiques d’élus armés d’épées magiques au destin révélé par la prophétie d’un vieux mage, je ne peux que conseiller cette aventure haletante, exhalant un souffle épique que vient contrecarrer la bassesse morale d’une galerie de personnages divers, dont les viles manigances engendrent des conséquences irrémédiables pour l’avenir du Vieux Royaume. De la Fantasy intelligente qui se fait héritière du roman picaresque et qui ne pourra évidemment pas plaire à tous, mais qui vient relever le genre avec brio.
(Attention spoilers à partir d’ici)
J’ai pu lire par ci par là que le roman Gagner la Guerre était un pavé transpirant le sexisme et la misogynie décomplexée, car les femmes y sont toutes décrites comme hystériques, désabusées ou vénales, et que le viol commis par le protagoniste n’est jamais remis en question, ni même considéré comme problématique au sein de la narration. Je ne remets pas en question ces accusassions, et j'avoue même que le doute est effectivement permis, mais je crois qu il peut s'agir d'une mauvaise interprétation des intentions de l'auteur, qui a déjà fait part de sa sensibilisation à la difficulté de la condition la féminine au sein d'un monde dominé par le patriarcat d'autres récits, et particulièrement dans la nouvelle intitulée le Conte de Suzelle. Je peux évidement me tromper mais je me permets d'introduire une réflexion : ne taxez pas de misogyne ce qui peut s’expliquer par de la maladresse. Oui, ce roman dépeint un monde profondément misogyne où la femme est écartée, foulée, humiliée et détruite, et par cela il se fait le miroir de notre propre société, ou tente de l'être. Là est tout le propos de Gagner La Guerre. Dans le microcosme politique de Ciudalia, les femmes doivent avancer masquées, ce qu’on comprend aisément avec le personnage de Lusigna en quête de vengeance légitime qui est, hélas, le seul personnage féminin fort du récit. Mais nous ne suivons pas cette histoire de son point de vue, nous sommes du côté des méchants. Car à ceux qui l’auraient oublié, on y suit les tribulations d’un assassin, Benvenuto, une crapule sans aucune morale au service d’un politicien cynique, le Podestat Leonide Ducatore, qui se gargarise de ses méfaits car il clame les commettre pour le bien de la république, alors qu’il n’agit évidemment que dans son propre intérêt. En cela, Benvenuto et Leonide se sont très bien trouvés, car ils sont les deux faces d’une même pièce, le cerveau t le bras armé. Mais jamais o grand jamais le roman ne loue leurs actes. L’auteur va même jusqu’à défigurer son protagoniste, il le torture, le malmène, et le passe à tabac, sans que le lecteur ne puisse ressentir une once de sympathie ou d’empathie envers lui, car à chaque fois qu’il a l’occasion de se racheter de ses innombrables crimes, Benvenuto Gesufal s’enfonce davantage dans l’ignominie et se comporte comme la sombre ordure qu’il sait qu’il est. Et le seul personnage qui soit peut-être un poil plus détestable que Benvenuto n’est autre que son patron, le poemdestat Leonide Ducatore, grand méchant de l’œuvre qui complote pour toujours retomber sur ses pattes, et qui par ses intrigue, parvient à se hisser dans le top des tout meilleurs méchants de la littérature avec Dracula, James Moriarty, Long John Silver, André Linoge, Javier Fumero, Hannibal Lecter et Patrick Bateman.