Gatsby le Magnifique est souvent présenté comme une critique du monde de l'argent, de la célébrité et de l'hypocrisie mondaine, ainsi qu'une belle narration des Années folles newyorkaises.
Cependant, et à ma grande surprise car je ne connaissais pas du tout l'histoire, c'est surtout un sublime roman sur le premier amour.
Gatsby est ce garçon pauvre mais ambitieux devenu incroyablement riche, qui s'est entièrement construit dans l'unique but de reconquérir son premier amour, avec qui il avait dû rompre car il était alors trop pauvre : Daisy, celle qui a une si belle voix. Malheureusement, elle est depuis plusieurs années mariée avec un riche héritier.
Gatsby, pourtant si étincelant en public, habité par une force et un charme qui hypnotisent, est frappé d'une timidité enfantine quand il s'agit de Daisy. Il n'ira jamais toquer un jour à sa porte, ou lui envoyer une invitation à venir prendre le thé. A la place, il donne de somptueuses fêtes auxquelles tout le beau New-York s'invite, dans le secret espoir que Daisy finisse par venir un soir.
Grâce à Nick, son nouveau voisin, qui se trouve aussi être le cousin de Daisy, Gatsby va pouvoir la revoir.
Ce dernier, entouré de mystères au début du roman, finit par se révéler peu à peu : tout ce qu'il a entrepris fut pour essayer de retrouver son amour perdu, mais plus encore pour reprendre le fil de sa vie là où elle avait échouée, au moment de sa rupture avec Daisy, car il a placé en elle tous ses espoirs. Tout passe par Daisy dans sa vie : son manoir n'est beau car parce qu'il doit finir par être habité par Daisy. Ses vêtements sont étincelants car ils doivent plaire à Daisy.
Gatsby est Gatsby et non plus ce fils de paysans pouilleux, parce qu'il sent Daisy au bout de la jetée, à portée de main, et qu'il peut enfin tout réunir.
Daisy est son obsession, son premier amour qu'il a fini par idéaliser, ce qu'il sait. Mais Gatsby, plein d'espoir, veut revenir sur le passé, il veut reprendre le fil absolument là où il l'avait laissé, et effacer toute la partie défectueuse. Il veut retourner dans la ville où ils se sont rencontrés, passer la prendre là où elle habitait pour l'emmener à l'église et l'épouser.
Tout doit être fait comme s'ils n'avaient jamais rompu. Et pour cela, il ne doit pas y avoir de Tom Buchanan, le mari de Daisy. Il ne peut être entré dans sa vie que comme une anomalie, une petite anomalie temporaire qu'il convient d'effacer : Daisy doit lui dire qu'elle ne l'a jamais aimé.
Et c'est cette exigence de Gatsby, celle de revenir sur le passé, qui va tout faire échouer. Daisy aime Gatsby, elle veut bien quitter son mari : mais elle n'arrive pas à lui mentir en disant qu'elle ne l'a jamais aimé. Gatsby lui en a trop demandée.
Mais Gatsby ne pouvait pas se contenter de revenir avec elle. C'est son premier amour, qui à force d'obsession et d'idéalisation, est devenu son but. Il ne peut pas reprendre la vie sans revenir sur son échec, sans l'effacer absolument. Il doit posséder absolument Daisy, car il s'est entièrement mis en elle. Il ne peut pas y avoir eu de place pour un autre, à aucun moment.
Gatsby est un être animé par l'espoir, mais ce n'est pas le cas de Daisy. Elle est lasse, triste, s'ennuie, mais n'est pas une idéaliste. Elle n'espère plus vraiment.
Pourtant, après son échec, Gatsby espère encore saisir la lumière verte. Il espèrera toujours, car il sait qu'il ne peut pas être Gatsby sans elle.
Tout est écrit sur le premier amour, d'une manière qui m'a sidérée. Le tout avec des personnages exceptionnels (je me suis contenté ici de Gatsby, mais Tom Buchanan, Nick et Jordan sont aussi très intéressants), et un univers new-yorkais délicieux. Avec en guise de cerise, cette aura enivrante qui se dégage dès le titre du livre. Un grand-chef d'œuvre.