Cela fait excessivement longtemps que je n'avais pas été sur les terres scandinaves de la littérature, et j'avoue que c'est la première fois que je pose un orteil en terre norvégienne ; conséquence, c'est la première fois que j'aborde l'oeuvre du dramaturge Henrik Ibsen.
Monsieur qui a laissé totalement de côté les grandes envolées lyriques de la tragédie, héritées de l'Antiquité, caressées dans le sens du poil en France par le Grand Siècle, pour le réalisme... Les dialogues, les situations, les réflexions aussi discrètes soient-elles ne surlignent pas mais sous-entendent.
Et c'est là toute l'efficacité de Hedda Gabler, dégager tout un potentiel de violence et de sexe en le sous-entendant jusqu'aux dernières répliques de la pièce et le rendre encore plus puissant car s'insinuant subtilement dans l'esprit du lecteur ou du spectateur, selon que vous soyez devant un livre ou devant une scène.
Un portrait d'(anti-)héroïne complexe aussi partagée entre matérialisme, en épousant un corniaud sous la promesse que celui-ci aurait très vite une bonne situation, et une sorte d'idéal symbolisée par la mort, mais pas n'importe quelle mort, qui ne peut que se fracasser cruellement contre le mur sans pitié de la réalité. Une anti-héroïne aussi capable d'être une criminelle que d'être une victime, si ce n'est parfois les deux en même temps...
Complexe, surprenant et troublant, juste avec le pouvoir des mots et de la suggestion une très très grande partie du temps, du travail d'orfèvre
Hedda (près de la porte vitrée) Oh! Taisez-vous, je vous dis...! Bien
des fois, je trouve que je n'ai de dispositions que pour une seule
chose au monde.
Brack (se rapproche) Et pour quoi donc, si je peux me permettre?
Hedda (se rapproche) Pour m'ennuyer à mourir. Voilà, vous le savez.