Confession sans aveu, Soupault rédige de manière précoce, à trente ans, une autobiographie tronquée, annoncée comme un examen de conscience rapidement abandonné. Plus qu’un simple exposé du passé, l’auteur finit par rompre le cours de son récit pour se tourner vers un présent avant tout marqué par l’attente d’une révolution et justifie la timidité de sa confession par la peur de livrer des aveux qui modifieraient inconsciemment son avenir, sa manière d’être. Ainsi, il s’agit plutôt d’un « recensement » comme le note Soupault, lui permettant de prendre note de ses souvenirs tout en livrant sa conception de la littérature qui, en dehors de la poésie, est une activité qu’il méprise un peu. Il intégrera par la suite Histoire d’un blanc à la suite de son autobiographie, Mémoires de l’oubli.
Ce récit de soi mêle alors souvenirs personnels liés à l’enfance (promenade dans des jardins, mort du père, amitiés au collège) et réflexions de l’auteur puisque l’autobiographie est aussi l’occasion d’un retour sur soi. A la mémoire se superpose en effet l’image de lieux visités à nouveau par l’auteur adulte, ce qui permet de rendre plus sensible la distance temporelle. La position autobiographique assumée met en avant l’évocation d’événements mineurs, presque dénués d’intérêt pour le lecteur qui voit s’installer une certaine monotonie :
« Je vois des jours qui n’étaient des fêtes que pour moi »
Cependant, si l’auteur raconte l’ennui de son enfance, elle se rompt au profit de l’aventure littéraire et des rencontres : c’est pourquoi ce récit autobiographique suscite mon intérêt d’abord pour le paysage littéraire qu’il met en place. Bien sûr, le nom de Soupault est indissociable de l’écriture automatique qu’il pratique notamment avec Breton, et on entrevoit la naissance de cette écriture et de la poétique un peu hasardeuse de Soupault. D’autre part, l’éclat du « système » surréaliste se reflète dans les appels à la Liberté et à la révolution.
En fait, la deuxième partie du récit est surtout consacrée à la littérature et en particulier à la peinture d’écrivains, soit au nom de l’impression profonde qu’Isidore Ducasse a laissée sur Soupault, soit pour dresser le portrait de personnes qu’il a connues : de loin comme Marcel Proust, ou ses amis Apollinaire et le douanier Rousseau en particulier. Cette autobiographie semble donc glisser peu à peu de souvenirs personnels monotones à l’entrée de Soupault sur la scène artistique de son temps.