Ivan Petrovitch, écrivain solitaire, maladif et gentil, voit un soir son attention particulièrement portée sur un vieil homme et son chien... Ce que ne savent pas à ce moment-là, l'écrivain (qui est aussi le narrateur de l'histoire !) et le lecteur (bien qu'il s'en doute !), c'est que le destin du vieillard sera lié de très près à ceux des divers protagonistes de l'histoire y compris bien sûr notre narrateur lui-même...
Humiliés et Offensés, qui est un des premiers romans de Dostoïevski, annonce les grandes œuvres de l'auteur. Le personnage cynique et rusé du prince Piotr Alexandrovitch Valkovski par son profond nihilisme, sachant utiliser parfaitement à son propre avantage les injustices sociales, aurait été comme un poisson dans l'eau dans celles troubles des Possédés, son fils, inconstant et faible de caractère mais en même temps avec une forme innocence, n'est pas sans faire penser au prince Mychkine de L'Idiot.
Mais n'y voir qu'une ébauche des grandes œuvres à venir du monsieur serait une injustice car le roman sait avoir sa propre identité.
Les personnages pour la plupart sont très bien croqués ; j'ai notamment trouvé le personnage de la jeune Nelly, aussi dickensien que dostoïevskien, aussi troublante qu'émouvante, était clairement un des plus beaux de toute l'oeuvre du futur auteur de Crime et Châtiment.
Pour les grands moments, on retiendra la scène d'introduction accrocheuse comme c'est pas permis, celle où le Prince montre son véritable visage au narrateur, et bien sûr toutes celles avec Nelly. Et on n'oubliera pas aussi la multitude de détails autobiographiques qu'insuffle Dostoïevski dans cette oeuvre, notamment par le truchement du narrateur qui est un alter-ego fictif.
Méconnue par rapport à Crime et Châtiment, aux Frères Karamazov, aux Possédés, cette oeuvre mérite pourtant qu'on y fasse un tour.