Humus
6.9
Humus

livre de Gaspard Koenig ()

La Terre est pelée comme une orange

Connaissant davantage Gaspard Koenig comme essayiste, et ayant apprécié son opus sur l'IA et la liberté individuelle, j'ai eu l'envie spontanée de découvrir son nouveau roman actuellement sur la liste du Goncourt et traitant de thématiques liées à l'écologie. Peut-être m'attendais-je à un roman philosophique ? Ou peut-être pas, d'ailleurs, puisque la presse évoquait le réalisme de l'œuvre en la rapprochant des écrits houellebecquiens, raccourci qu'on ne se lasse plus de lire dès qu'un auteur contemporain français cherche à faire évoluer ses personnages dans les nouvelles sphères de la société.

Ici, nous suivons deux protagonistes : Arthur et Kevin, deux amis se rencontrant à l'école d'agronomie de Paris, dont les destins croisés vont passer académiquement de l'idéal au drame ; sans trop en dévoiler, le premier, d'une classe sociale élevée, s'enfonce dans un projet néorural sans issue, et le second, plus modeste, devient malgré lui une sorte de singe savant du capitalisme vert.

Le livre est en soi bien construit ; on suit les deux protagonistes d'un chapitre à l'autre avec plaisir (et un faible pour l'histoire de Kevin, plus grisante à mon goût). Mais c'est cependant si consciencieusement construit qu'on ne s'étonne plus de la trajectoire des personnages et on se dit même que le roman manque parfois d'inspiration littéraire.

Il y a pas mal de choses que j'ai aimées, notamment la relation entre les personnages, le triangle amoureux Arthur-Kevin-Anne par exemple. Mais ça ne va jamais plus loin que ce qu'on attend. Jusqu'à cette fin pour le moins baroque qui, à l'image de l'entièreté du roman, utilise de bons éléments réalistes pris un à un, sans que ce soit tout à fait convaincant dans l'ensemble, comme si le "réel" finissait par dépasser en envergure le développement des personnages, laissant le lecteur un peu dubitatif sur le déroulement des évènements. Pour le dire autrement : on s'attend à la suite du roman sans être totalement convaincu par ce qui la produit.

Mais ce n'est pas un mauvais livre. Il est agréable à découvrir et montre bien les difficultés immenses de la lutte contre les désastres environnementaux. On retrouve d'ailleurs quelques idées chères à Koenig sur la complexité administrative, le RSA, le trop-plein de règles brisant les aspirations libérales des citoyens. C'est intéressant. Mais voilà, je reste sur cette manifeste sensation d'inspiration manquante, artistiquement parlant.

Benson01
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lectures 2023

Créée

le 25 sept. 2023

Critique lue 87 fois

Benson01

Écrit par

Critique lue 87 fois

D'autres avis sur Humus

Humus
Cannetille
7

Vérités satiriques autour de nos hésitations entre confort immédiat et craintes d’un avenir menaçant

Philosophe et essayiste aux convictions libérales, fondateur du mouvement Simple contre la complexité administrative et bref candidat à la dernière élection présidentielle, Gaspard Koenig a abandonné...

le 26 sept. 2023

8 j'aime

6

Humus
Wlade
7

Impasses de l'écologie dogmatique

Qui eût cru que je finirais par apprécier Gaspard Koenig ?Il y a encore quelques années, dans le cadre professionnel je recevais tous les matins les Echos, et chaque jour je m'amusais à aller lire la...

le 11 déc. 2023

8 j'aime

1

Humus
villagecramp-t
2

« De toute manière moi les pois chiches… »

Des personnages creux (comme le style), supports insensibles de toutes les thèses du philosophe Koenig. Une narration efficace certes, mais dont l’économie ne parvient pas à rattraper le manque de...

le 27 janv. 2024

5 j'aime

2

Du même critique

Bruit de fond
Benson01
9

"J'ai été un moribond toute ma vie."

Don DeLillo est un écrivain américain du courant postmoderne, comme Thomas Pynchon, Bret Easton Ellis ou Paul Auster. Auteur capital aux Etats-Unis, il semble peu lu en France, mais peut-être...

le 2 juil. 2017

9 j'aime

Le Complot contre l'Amérique
Benson01
7

Les complots contre l'Amérique

Dans Opération Shylock, Philip Roth définit une critique littéraire comme une suite de clichés. On ne peut pas dire qu'il ait entièrement tort. Donc allons-y : J'adore Philip Roth. Force est de le...

le 24 juil. 2018

7 j'aime

Le Vingtième Siècle
Benson01
5

Critique de Le Vingtième Siècle par Benson01

Ce livre est à part dans l’œuvre d’Aurélien Bellanger. Il est plus méta et aussi plus cryptique. Lui qui signait déjà des grands romans ardus, nous voilà servis. Ses réflexions originales et...

le 21 janv. 2023

6 j'aime

1