Connaissant davantage Gaspard Koenig comme essayiste, et ayant apprécié son opus sur l'IA et la liberté individuelle, j'ai eu l'envie spontanée de découvrir son nouveau roman actuellement sur la liste du Goncourt et traitant de thématiques liées à l'écologie. Peut-être m'attendais-je à un roman philosophique ? Ou peut-être pas, d'ailleurs, puisque la presse évoquait le réalisme de l'œuvre en la rapprochant des écrits houellebecquiens, raccourci qu'on ne se lasse plus de lire dès qu'un auteur contemporain français cherche à faire évoluer ses personnages dans les nouvelles sphères de la société.
Ici, nous suivons deux protagonistes : Arthur et Kevin, deux amis se rencontrant à l'école d'agronomie de Paris, dont les destins croisés vont passer académiquement de l'idéal au drame ; sans trop en dévoiler, le premier, d'une classe sociale élevée, s'enfonce dans un projet néorural sans issue, et le second, plus modeste, devient malgré lui une sorte de singe savant du capitalisme vert.
Le livre est en soi bien construit ; on suit les deux protagonistes d'un chapitre à l'autre avec plaisir (et un faible pour l'histoire de Kevin, plus grisante à mon goût). Mais c'est cependant si consciencieusement construit qu'on ne s'étonne plus de la trajectoire des personnages et on se dit même que le roman manque parfois d'inspiration littéraire.
Il y a pas mal de choses que j'ai aimées, notamment la relation entre les personnages, le triangle amoureux Arthur-Kevin-Anne par exemple. Mais ça ne va jamais plus loin que ce qu'on attend. Jusqu'à cette fin pour le moins baroque qui, à l'image de l'entièreté du roman, utilise de bons éléments réalistes pris un à un, sans que ce soit tout à fait convaincant dans l'ensemble, comme si le "réel" finissait par dépasser en envergure le développement des personnages, laissant le lecteur un peu dubitatif sur le déroulement des évènements. Pour le dire autrement : on s'attend à la suite du roman sans être totalement convaincu par ce qui la produit.
Mais ce n'est pas un mauvais livre. Il est agréable à découvrir et montre bien les difficultés immenses de la lutte contre les désastres environnementaux. On retrouve d'ailleurs quelques idées chères à Koenig sur la complexité administrative, le RSA, le trop-plein de règles brisant les aspirations libérales des citoyens. C'est intéressant. Mais voilà, je reste sur cette manifeste sensation d'inspiration manquante, artistiquement parlant.