Il m'a fallu du temps, beaucoup de temps avant de me décider à attribuer une note à ce roman et par là même à sceller mes impressions à son sujet. En effet, celles-ci sont restées confuses bien longtemps. J'ai ouvert J'irai cracher sur vos tombes un soir de semaine, pensant en lire quelques pages avant de sombrer dans le sommeil. Il était déjà tard. Je l'ai finalement lu d'une traite, prise dans une sorte d'élan frénétique, somme toute à l'image du roman : noir, violent, déguelasse, il faut le dire.
On ne s'arrête pas de lire parce que pris dans une intrigue magistralement orchestrée dont on veut connaître absolument le dénouement, à la Joël Dicker dans La vérité sur l'affaire Harry Quebert, non. J'irai cracher sur vos tombes n'est pas ce genre de thriller, c'est un roman d'horreur. Et bien qu'il m'était impossible de stopper ma lecture, quelque chose dans ce roman m'a plus que troublée, m'a outrée : cette culture du viol dont il est empreint et dont je ne savais que penser. Boris Vian décrivait-il, tout à fait consciemment, cette culture du viol pour la dénoncer, au même titre qu'il dénonce la haine intrinsèque au racisme ? Le personnage principal cherche à venger l'assassinat de son frère noir en s'en prenant à de jeunes femmes blanches et de bonne famille. Ou a-t-il écrit, j'allais dire, sous l'emprise de cette culture du viol socialement diffusée et incorporée, révélant ainsi de manière inconsciente ses propres représentations du viol et de manière générale, des violences faites aux femmes ? Ces dernières étant bien souvent consentantes, n'est-ce pas... (gloups)
J'ai fait des recherches sur la toile (analyses littéraires, éléments biographiques sur l'auteur), j'ai interrogé les amis qui avaient lu le roman, en vain. Étais-je donc la seule à avoir ressenti un tel malaise concernant le traitement du viol fait par l'auteur ? Perdue, j'ai laissé le temps opérer. J'aurais pu attribuer un 1 comme un 9 à cette œuvre.
Puis, je me suis dit que si je n'avais su refermer J'irai cracher sur vos tombes malgré ma colère, mon dégoût, ce n'était pas pour rien. Ce roman dérange parce qu'il met à l'épreuve nos propres représentations, parce qu'il nous fait réfléchir et c'est en cela que c'est un roman réussi, essentiel. Vous l'aurez compris, j'ai finalement eu envie de croire que Boris Vian avait voulu y dénoncer le sort de minorités, en les opposant pourtant, en faisant de la maltraitance des femmes, un outil de vengeance (que l'on peut penser légitime) du meurtre d'un jeune Noir. C'est justement ce paradoxe insensé, révoltant qui donne à réfléchir. Moralité : la haine attise la haine ?
Je suis absolument preneuse de vos analyses et pour cela je vous invite à lire J'irai cracher sur vos tombes !