L'intérêt de L'Affaire Charles Dexter Ward, plus que n'importe lequel de ses ouvrages est la suggestion.
Il y a deux livres :
- l'un décrit avec force détails le quotidien des personnages, leurs bourgade, maison, famille, corps, personnalité ; C'est cette part qui - comme chez Stephen King - permet au lecteur d'entrer dans l'univers et se sentir mêlé à l'histoire ;
- l'autre suggère et est le règne de l'implicite. Vous n'y trouverez que des évocations incomplètes de monstres (ou du moins de leurs gémissements) ou de phénomènes paranormaux. Vous n'aurez comme seules preuves que des odeurs (ça vous y avez droit !), des poussières éparses, d'imperceptibles traces.
Aussi, le roman n'est pas un exercice de style d'épouvante mais plus de fantastique.
Les cauchemars ne seront vraisemblablement pas de sortie à l'issue de cette lecture.
Lovecraft n'est pas Stephen King même si les ressorts sont très similaires. D'ailleurs, la filiation (revendiquée) est évidente à la lecture des 1ères oeuvres de notre contemporain (Brume, Danse macabre, Salem...).
Peu de frissons donc car il n'est pas simple de faire directement corps avec l'intrigue :
- l'action se déroule il y a deux siècles voire plus,
- la manière de raconter du narrateur pousse à une certaine distance,
- l'intrigue est construite comme un roman policier (comme le Chien de Baskerville) plus que comme un film d'horreur,
- et surtout le scenario est lent et prend son temps pour mettre en place les événements.
A l'arrivée, j'ai pris beaucoup de plaisir à diversifier mes lectures avec un roman agréable à lire, qui met un peu d'épices aux soirées hivernales et de surnaturel dans un monde de peu de foi.