Un nouvel ouvrage de Bernard Quiriny est (presque) toujours synonyme de jubilation. Cependant, il est vrai que ses recueils de nouvelles enthousiasment davantage que ses romans, comme si l'auteur belge se sentait moins libre et imaginatif sur le format long. L'affaire Mayerling est le troisième roman de Quiriny et comme dans les deux premiers, il s'empare d'un thème, le tord dans tous les sens et en extrait la substantifique moelle. Dans L'affaire Mayerling, il s'agit de l'immobilier urbain qui, a priori, n'est pas le sujet le plus folichon du monde. Le narrateur et l'un de ses amis se présentent d'emblée comme passionnés par les annonces immobilières dont ils commentent avec gourmandise le jargon impayable. Mais rapidement, le livre s'intéresse à l'immeuble Mayerling, fraichement construit avec des résidents souvent pour la première fois propriétaires. C'est une enquête après les faits qui nous est narrée en détaillant les avanies successives qui frappent les malheureux habitants de l'immeuble. Celles-ci sont techniques avec des dysfonctionnements mais, plus grave, semblent influer sur les comportements : violence, intolérance, hystérie, nymphomanie ... Comme souvent chez Quiriny (dans ses romans), il y a à un moment un côté répétitif qui menace que l'écrivain combat en poussant encore plus loin son intrigue, dans une sorte de logique absurde mais en définitive pas si irrationnelle. Dans cette satire immobilière, il rend hommage aux écrivains qui se sont penchés sur le "vivre ensemble" dans cet entassement vertical et urbain qui est tout sauf naturel à l'espèce humaine : de Rousseau à Perec, de Ballard à Marcel Aymé. Un livre drôle et cinglant qui donne une toute autre signification à l'expression "béton armé."