L’autre qu’on adorait fait partie de ses livres auxquels il est impossible de ne pas se confronter dès lors qu’on en connait l’existence. Pourtant le risque est grand.
Catherine Cusset se propose de raconter Thomas; « celui qu’on adorait à qui on pardonne tout et qui s’enfonce dans une solitude qu’il tisse, comme malgré lui, à coups de sautes d’humeur, d’inadvertances, d’imprudences, d’accès d’impatience ou de caprices, qui ruinent infailliblement ses amours naissantes et ses projets professionnels – il est universitaire, passionné de Proust. »
Nous savons et elle aussi qu'autrui est une "ombre où ne pouvons jamais pénétrer" et dans un éclair de lucidité, l’auteur écrit : « tu les connais, ces romans écrits par des khâgneux : ça se veut intelligent, ça se regarde le nombril, c’est chiant. Mieux vaudrait s’abstenir ; la curiosité l’emporte ».
Elle juge sévèrement son précédent portrait de Thomas : « C’est à la cime du particulier qu’éclot l’universel. » [Proust] Mon livre n’atteint aucune cime. Il ne t’atteint même pas en profondeur. Il reste au ras des pâquerettes. J’ai transformé ta vie en un fil chronologique dont j’ai ôté toute substance pour la juger à l’aune du succès en suivant des critères purement sociaux. »
Celui-ci n’est guère différent…
Pour autant, elle réussit son pari. Malgré la faiblesse du style rehaussée de citations de Proust assez justement choisies, le roman a occupé mon lundi de Pâques plusieurs heures d’affilée. Néanmoins, il faudra faire le boulot à sa place et y mettre toute votre âme si vous voulez que Thomas ne soit pas réduit aux faits de son existence publique.
Qu’il existe des gens comme Catherine Cusset devrait vous dissuader du suicide de peur qu’ils prétendent décrire l’homme que vous êtes à partir de fragments, de fait et de citations empruntées