L'homme invisible n'est pas un classique pour rien, mais réserve pas mal de surprises lors de sa lecture.
La première, m'ayant été indiqué par la (très) bonne critique de Mlle Shanks, que je remercie de m'avoir donné l'envie d'enfin lire ce livre qui traînait depuis trop longtemps sur mes étagères, est la suivante : contrairement à ses confrères que sont les docteurs Frankenstein et Jekyll pour ne citer qu'eux, Griffin, notre homme invisible, est loin d'être empli de remords ou de désespoir. Point du tout. Son caractère atypique pour ce genre de récit, fat, belliqueux et rêvant de pouvoir, constitue l'un des points les plus intéressant de l'histoire et est même assez jouissif. Comment ne pas s'amuser de le voir se jouer avec une espièglerie tirant sur la méchanceté de ses divers opposants.
La seconde, c'est la forme employée pour raconter les nombreuses péripéties de Griffin. Dans la première moitié, et ce jusqu'à ce que son secret soit découvert, l'histoire nous est narrée par les différents personnages qui croiseront la route de cet homme mystérieux voir malotru, au visage recouvert de bandages, et ce procédé nous permet de mieux comprendre comment les bizarreries de cet anti-héros lui attireront le rejet unanime de cette petite communauté typique de l'Angleterre du 19ème siècle.
Puis, lors de ses retrouvailles avec le docteur Kemp, avec qui il avait fait ses études, c'est Griffin lui-même qui lui, et donc, nous raconte, toutes les étapes de son extraordinaire transformation, les premières difficultés qui en découleront et ce qui l'a conduit, contraint et forcé, à se reclure à Iping, loin de Londres. Et force est d'admettre que c'est ce que l'on attend depuis le début : le pourquoi ? Comment ? Et l'on est pas déçu, Wells étant à la fois précis et flou pour que son procédé pour accéder à l'invisibilité reste crédible.
Et pour finir, ce qui fait que L'homme Invisible se démarque un peu, et en bien, des autres classiques du genre, c'est en même temps le peu de sympathie, mais la compréhension tout de même que suscite son personnage principal. En effet, il est difficile d'aimer Griffin, car comme je l'ai déjà décrit, son caractère orgueilleux, emporté et tyrannique ne s'y prête guère, mais, car il y a un mais, comment ne pas ressentir un peu de compassion pour cet homme dépassé par sa découverte, souffrant mille supplices et surement les pires tels que la difficulté ne serait-ce que de se nourrir, de trouver un endroit pour dormir, voir de supporter le froid, le mauvais temps, en bref, de satisfaire les besoins les plus primaires de l'être humain ?
On ne peut s'empêcher, bien que Wells n'approfondisse pas le sujet, de chercher une explication à cette recherche de l'invisibilité, et, l'albinisme de Griffin, rendant surement le regard des autres dur à supporter, en est peut-être une.
En se détachant volontairement du reste du genre humain, en disparaissant, l'homme invisible semble avoir fait aussi disparaître tout comportement social, toute sentimentalité, compassion, amour ou pitié. Compassion et pitié que l'on ne peut pourtant pas, nous, s'empêcher de ressentir, à la conclusion du récit.