La raison qui nous fait poursuivre la lecture d’un roman n’est pas toujours évidente. Celui-ci raconte la fin de la deuxième guerre mondiale dans une petite ville d’Allemagne, du point de vue d’abord d’une jeune allemande devenue orpheline, puis du point de vue d’un capitaine français, chargé d’administrer la région de façon temporaire. L’histoire d’amour improbable qui naît de cette rencontre est rendue encore plus insolite par l’atmosphère étrange du livre : une profonde lassitude qui imprègne de façon univoque l’ensemble des personnages, quels que soient leur âge, leur idéal, leur nationalité ou leur situation sociale. Le souci de la langue est absent de ce récit, où l’on utilise le français et l’allemand, sans que les possibilités offertes par cette rencontre linguistique soient effleurées, comme dans un conte de Grimm où le héros, perdu dans un lointain pays étranger, se met à deviser avec le premier passant sur sa route, sans aucun hiatus formel. Le lecteur attentif – certains diront pointilleux – notera du reste quelques détails orthographiques et logiques qui tendent à prouver une production à la va-vite. A quoi bon donc poursuivre ? Peut-être parce que, comme le poème selon Claudel, ce court roman aux allures policières imite le canon, moulé autour d’un trou central ; et c’est ce mystère d’une tranquille petite bourgade allemande, image d’une nation déchue, qu’il nous fait poursuivre pendant quelques heures - et tout le romanesque tient dans cette poursuite.