A vingt ans, il s'était cru libéré des routines ou des préjugés qui
paralysent nos actes et mettent à l'entendement des œillères, mais sa
vie s'était passée ensuite à acquérir sou par sou cette liberté dont
il avait cru d'emblée posséder la somme.
A moins d'être un universitaire, un véritable intellectuel ou une personne ayant une culture générale abyssalement profonde, on se sent petit face à l'immense érudition de Marguerite Yourcenar. Petit face à ses connaissances historiques, théologiques et philosophiques. Et quand bien même, on ferait partie d'une de ces trois catégories de personnes (malheureusement, ce n'est absolument pas le cas pour moi !), érudition ne veut pas dire forcément talent ; mais en ce qui concerne Yourcenar, si, carrément.
Donc, ce serait autant un mensonge qu'une prétention de dire que l'on connait tous les faits historiques racontés dans L'Oeuvre au noir (à moins d'être un grand spécialiste du XVIe siècle et de son contexte religieux particulièrement explosif !), de dire que l'on connaît telle personne ayant réellement existé (alors que l'on ne sait même pas si elle a existé !) alors qu'il faudrait faire des recherches acharnées pour finalement trouver son nom sur une note en bas de page d'une obscure thèse ou sur une obscure archive usée par le temps et grignotée par les rats. Oui, certes, on se réjouit quand on se dit, sincèrement, je le connais lui ou elle ou j'en ai entendu parler ; mais là, il ne faut pas fouiller profondément, il suffit d'avoir un semblant de culture générale.
Non, de toute façon, l'essentiel ici, c'est de saisir le propos de l'écrivaine, sans parvenir forcément à l'exprimer à travers de simples mots, de ressentir où cet ensemble, non seulement historique, théologique et philosophique, mais aussi physique (avec une réflexion sur les contraintes du corps !), psychologique, métaphysique, humaniste, alchimique tant qu'à faire, nous mène. Et là, pas besoin d'être un universitaire, un véritable intellectuel ou une personne ayant une culture générale abyssalement profonde pour comprendre qu'on a affaire, à travers le récit de la vie du fictif (mais inspiré de diverses figures historiques !) Zénon, à une œuvre majeure.
Pour résumer, on se sent très petit face à Marguerite Yourcenar, mais l'admiration que l'on a pour elle n'en est que plus grande.