À des années-lumière du rab’ de la cantine, qui était de toute manière follement surcoté, quoi de mieux qu’un dernier tour de manège dans l’Entre-deux-mondes ? Sept ans après la superbe conclusion apportée à la pierre angulaire de son œuvre, Stephen King se fendit donc d’un « add-on » dont la perspective de retrouver, ne serait-ce que brièvement, le ka-tet de Roland forçait d’emblée l’intérêt.
S’insérant entre les volumes IV et V de cette Fresque grandiose, La Clé des Vents n’est finalement pas tant une brique indispensable à cette dernière qu’un petit détour hautement sympathique. Au premier rang de ses atours, King ne se départage pas de son goût pour le brouillage du quatrième mur en poussant la logique encore plus loin : tandis que l’on retrouve le fameux quintet prisonnier d’une tempête givrée, l’effet du récit dans le récit dans le récit ne se contente donc pas de développer plus encore un monde tiraillé de toutes parts, cette narration à trois niveaux conviant en un même jet présent, passé et conte dont l’on jurerait volontiers de la véracité... ou tout du moins en partie.
Si nous pourrions alors nuancer le doigté donc fait d’abord preuve ce procédé tripartite (la mémoire défaillante de Roland est des plus arrangeantes), au même titre que nos retrouvailles avec Eddie et compagnie servent davantage de prétexte à la mise en place de l’histoire dans l’histoire du soir, il faut bien convenir que La Clé des Vents vaut surtout le coup d’œil pour ces deux dernières. L’immersion au cœur de l’enfance du Pistolero de Gilead est dans un premier temps des plus probantes, le spectre de Magie et Cristal marquant de son empreinte les nouvelles pérégrinations du rejeton Deschain : qui plus est, on ne boude pas son plaisir à l’aune d’une enquête douée d’une horreur fantastique.
Au point d’ailleurs de faire la moue alors que le conte prend soudainement ses quartiers, lui qui pouvait faire mine de rompre le rythme de ladite investigation : bien au contraire, Tim Ross nous embarque finalement sans peine au gré de sa quête désenchantée, elle qui va savamment étendre les contours fantasmagoriques d’un univers généreux. La fusion entre sa composante morbide et les élans fantaisistes du conte est ainsi du meilleur effet, d’autant que la mince frontière le séparant de la réalité, régulièrement mise à mal (North Central Positronics, les initiale RF/ML etc.), nous conforte dans une lecture on ne peut plus savoureuse.
Une bonne surprise en somme, bien suivie par la conclusion rondement menée de l’affaire « Garou », sanglante jusqu’au bout ; s’en suit le retour à la réalité, très fugace dans les faits, ne soulignant alors que trop bien les prétentions véritables de La Clé des Vents : un interlude divertissante, un interstice tenant de la mise en abyme ludique. Certainement pas primordial quant à la bonne tenue de la quête de Roland et ses compagnons, l’extension qu’il apporte au background de l’Entre-deux-mondes ne saurait se donc refuser.