Elle était voilée, traversait une prairie où passait un chevreau blanc, elle lui fit quelques caresses puis lui donna à manger quelques branche d’un mûrier sauvage.
C’est une vision biblique qui le saisit ce Musset.
Dans son amour pour Mme. Pierson, il cherche précisément un idéal inspiré du divin. Sa passion peut seulement se manifester dans la représentation d’une madone qui ne saurait trahir son innocence.
Sa désillusion face à un tel amour se traduit par une éloge pleine d’amertume de la débauche. C’est de là que provient le mal inéluctable qui habitera son cœur et qui, selon lui, le rongera éternellement comme un supplice universel et nécessaire.
L’expression de ce mal, la volonté de le saisir et de le définir comme une qualité infernale de sa propre condition, va de paire avec l'œuvre littéraire ;
Le glissement du verbe et des vieux démons se sublime joyeusement dans le genre tragique. Lecteurs, nous sommes envoûtés par ce discours confortable du désespoir dans lequel nous trouvons refuge. Une fois intériorisé, nous sommes charmés par l'illusion de notre propre langue cynique et autocentrée.
Pourtant, l’illusion en elle-même est métaphysique, elle est médiation, dans le sens où elle permet au sujet de s'entretenir dans un rapport signifiant avec le monde. C’est bien la seule qui existe.
Autant qu’ idéologie existentialiste, l’inévitabilité d’un mal bien cerné, comme la condamnation à la débauche et l’impossibilité d’aimer, elle s’attache à des chimères dont l’agréable poison nous enivre de son sentiment désolant.
Mais ces chimères sont précisément des catégories dogmatiques héritées de la théologie chrétienne; la passion de la souffrance, l’idée du Dieu Bien. C’est à travers celle-ci que le sujet abattue existe. Il se sent obligé de confesser, ce discours étant devenu la voie royale de l’existence. L’aveu est le seule moyen qui permettrait à la conscience d'apparaître.
La tragédie devient pour lui une sorte d’acerbe vas et viens entre le mal engendré et l’idée du bien
Il vit dans un monde d'idées et de fantômes qui correspondent parfaitement à la fin de son époque, encore sous l’emprise des charmes de l’Idée.
“La perte accueille la perte”. Et c’est bien dans le principe de la littérature qu’elle se sublime.
Pour moi ce sentiment de perte, une fois implanté dans un rapport à soi même, doit être mis au service d’un amour fou. Mais ne peut s’établir comme philosophie de sa propre condition en soi et pour soi.
C’est bien peut-être pour cela que Nietzsche avoua 50 ans plus tard, dans un nihilisme beaucoup plus mature, qu’une fois son cœur fortement enchainé on peut toujours donner beaucoup de liberté à son esprit.