D'abord surprise par l'épaisseur de ce livre, je me suis néanmoins laissé aspirer sans crainte dans cet univers extraordinaire et satirique, créé par un auteur fantasque, à l'humour tantôt subtil, tantôt grotesque, mais toujours drôlatique.
Vit dans ces pages l'un des personnages les plus sensationnels jamais croisés : un trentenaire fort épais, à l'anneau pylorique capricieux et à la moustache humide, dont la tête peu amène est couverte d'une casquette de chasse verte, au caractère odieux, insupportable, anachronique, plein d'une morgue cocasse, et qui, enfin, a une allure « d'Horace ou, pire encore, de Humphrey » mais qui se nomme en fait Ignatius J. Reilly.
Ce bonhomme-là est une espèce de gros domino qui fait basculer dans la déchéance, la ruine ou autre état de folie précoce tous ceux qui entrent en son contact. Sont ainsi enchevêtrées plusieurs destinées que la Fortune, cette « inconséquente catin », a décidé de chambouler au travers d'Ignatius.
Les personnages secondaires pullulent et frappent de leur incroyable bêtise (à une ou deux exceptions près), sans jamais ennuyer ou agacer. La fin est un tel tapage, un bordel de génie, que les aventures politico-philosophiques burlesques de cet obèse anti-héros moustachu m'ont animée d'une envie soudaine de reprendre le livre à sa première page. Un roman à lire encore et encore.