Cette Duras-là, je l'abhorre. Elle est une narratrice antipathique au possible dans les premiers quatre récits, égoïste, oublieuse de l'autre, de ce mari un peu mort dans « La Douleur », des camarades et des ennemis dans les trois autres — mais peut-on le lui reprocher sans se sentir coupable de le penser ? Ce qu'elle vit dans ces pages est dur, c'est une évidence ; elle relate en fait chichement une histoire secrète, celle des résistants de Paris, dans une langue codée, réservée à ses pairs, à ceux qui ont partagé ces épisodes dans le café de Flore ou rue des Saussaies. Et alors, pour reprendre ses mots : « On a essayé de lire, on aura tout essayé, mais l'enchaînement des phrases ne se fait plus, pourtant on soupçonne qu'il existe. » Au style qui se veut non travaillé, faussement spontané, devenu illisible, se joint un embellissement affreux, osons : une sublimation, d'une femme violente qui ramène tout à elle dans un écrit narcissique, lequel écrit omet et révèle, ment et dit, selon le bon vouloir de cette créatrice, qui semble finalement chercher à exister au milieu d'autres corps, toujours décrits dans le soin, dans l'intérêt sordide déjà entr'aperçu dans L'Amant. C'est un spectacle qui jaillit devant les yeux, trop plein d'effets pour en avoir un sur moi. Quant aux deux courtes nouvelles de fin de livre, elles sont si rébarbatives que je les ai lues en diagonale, pensant à chaque paragraphe : pourquoi m'infligé-je cela ?