J'éprouve le besoin de rendre hommage à un auteur découvert il y a quelques années grâce à un homme aujourd'hui disparu...
Le roman que j'ai retenu est d'une grande ampleur par la multiplicité des personnages sous-tendue par un Destin en marche ; il raconte aussi bien la dictature dans l’Amérique latine des années 50- 60 que l'histoire de son héroïne avec laquelle il parvient à nous toucher au coeur.
Le point de départ se situe en un retour à sa terre natale de cette femme dans la force de l'âge. Modérément accroché par cet abord, peut-être me sentais- je un peu déboussolé comme elle après toutes ces années, ce point de vue s'est complètement renversé par la suite.
Grâce à l'habileté de sa construction dont est coutumier son auteur comme j' avais pu le constater pour la tante Julia et le Scribouillard.
Tout va à la fois à l'avant et à rebours: pourquoi elle a fui son pays, le ressentiment qu'elle éprouve envers son père, et ce qu’on devine être la dernière journée du dictateur. Nous sommes emportés, sans rémission ni remords..
Llosa jongle de manière étourdissante avec les temporalités, les points de vue de ces deux histoires avant de les faire se rejoindre sans effort apparent à la fin. Il a su trouver la bonne distance pour les écrire, et le style approprié, sobre et puissant à la fois, boxeur au sommet de son Art..
Un de ces romans -monde au sein duquel nous sommes immergés, comme pouvaient l' être pour des œuvres du XIXème, première moitié du XXème siècle, quand les écrivains avaient encore de grandes ambitions....
Les dernières pages m'ont profondément touché, c'est avec un sentiment de gratitude que je l'ai refermé. L’art de réussir la fin d'un roman distingue les grands romanciers des autres, au point que beaucoup comme Llosa construisent patiemment l' ensemble dans cet unique dessein.