When the legend becomes fact, print the legend.
Et si on prend la légende du roi Richard III, on a l'histoire d'un roi bossu infâme qui n'a reculé devant rien pour accéder au et conserver le Trône d'Angleterre, même l'assassinat de ses deux jeunes neveux, avant de trouver une mort méritée lors de la Bataille Bosworth... Ainsi ont parlé Thomas More, William Shakespeare et la propagande Tudor... Ainsi est une légende communément admise... Ainsi une légende communément admise ne peut qu'être que vérité...
L'inspecteur de Scotland Yard, Alan Grant, est coincé dans un lit d’hôpital suite à une chute lors de la poursuite d'un malfrat... Son occupation, fixer le plafond en s'ennuyant comme un rat mort, jusqu'à ce qu'une amie actrice, connaissant son talent et sa passion pour la physionomie, ait la bonne idée de lui amener plusieurs portraits... L'un d'eux attire particulièrement son attention. Ce portrait ne peut qu'être que celui d'un homme bon. Ben non, c'est celui de Richard, l'infâme Richard... C'est ce que la légende dit... Mais les légendes ne sont pas forcément véridiques, et c'est ce que le policier, en ne bougeant par la force des choses de sa chambre d'hôpital et avec l'aide précieuse d'un jeune étudiant américain en histoire, en commençant par lire des livres scolaires et en terminant sur des ouvrages pointus, va s'ingénier à prouver...
Je ne sais pas si les faits exposés par Josephine Tey sont pleinement véridiques, mais toujours est-il qu'elle défend avec conviction Richard III, à tel point qu'on est pleinement prêt à lui donner le bénéfice du doute et à le considérer comme un brave type. Conviction qu'elle défend avec des faits historiques précis mais aussi avec une cohérence psychologique convaincante qui montre que ce roman va bien au-delà du cas Richard III et que c'est une véritable réflexion sur notre contact avec l'Histoire, le fait qu'on se refuse souvent à prendre avec recul telle "vérité" ou telle autre et à la vérifier. C'est aussi une réflexion sur le métier d'historien. Historiens qui ne se révèlent guère mieux dans cette optique qu'une personne lambda, et qui pour la plupart se contentent de platement énumérer des faits et des dates en oubliant qu'ils parlent aussi d'êtres de chair et d'os.
Ce roman, aussi riche, profond et intelligent que prenant, n'a pas manqué de provoquer des remous lors de sa publication. La raison en est certainement que pour quelques historiens officiels, il était difficile de voir une auteure de romans policiers faire beaucoup mieux le job qu'eux.