Il serait temps d'en atteindre le fond.
Sur ce site se trouvent déjà 9 critiques pour expliquer à quel point ce livre est original. Je ne vais pas revenir là-dessus.
Mais il y a quelque chose que personne n'a encore pointé : l'histoire a-t-il encore droit de cité dans l'univers de la fiction contemporaine? Peut-on encore innover sur le fond comme Poe ou Lovecraft, pour renouveler la littérature fantastique? Parce que si je devais raconter ce livre à quelqu'un ni connaissant rien, je serai vraiment coincé. Essayons tout de même :
On commence par un loser californien qui hérite de l'appartement d'un vieil homme aveugle, et trouve un manuscrit. On se dit cool, cela fait "found footage" littéraire, ficelle narrative réputée mais toujours efficace.
L'ennui est que ce manuscrit est une étude ultra académique, du genre thèse pour un doctorat, d'un film sur un phénomène étrange et inexplicable. Nous avons déjà droit à plusieurs handicaps :
- comment décrire l'angoisse audiovisuelle sous forme littéraire?
- comment ne pas trouver incroyable qu'un documentariste qui voulait filmer sa jolie petite famille (avec une femme ex mannequin) prenne justement cette maison, et la truffe de caméras? (Ah oui à aucun moment les différents protagonistes, même brouillés avec Navidson le documentariste, ne se décideront à couper leur caméra)
- comment trouver excitant une étude psychologique (surtout que l'on en a pas grand-chose à faire de leur évolution psychique et de leurs interactions sociales stéréotypées)?
- comment ne pas prendre le lecteur pour un con en faisant faire l'étude d'un film à un aveugle? (Sans compter que l'on ne saura jamais pourquoi il a fait cela, mais on n'est plus à ça près...)
Danielewski habille son édifice branlant avec ses fulgurances narratives et l'intérêt autour de son étrange mystère. Mais au bout d'un moment tout cela paraît vain.
En fait, il semble que l'auteur ait trouvé une énigme d'apparence insoluble, mais, au contraire de Christie ou Leroux, n'ait pas trouvé comment la résoudre lui-même. J'ai eu l'impression que ses narrateurs (et les différentes sources de l'étude de Zampano), trop déconcertées par le mystère en lui-même, se sont trop intéressées aux interactions psychologiques des personnages. Un moment est émis l'hypothèse que le phénomène est un miroir des humeurs des personnages y pénétrant, mais cela est vite balayé, trop simple.
Enfin, on a le récit du loser qui parasite l'étude du film. On se dit : ça va enfin bouger! Mais non, pas d'ennemi menaçant, de phénomènes inquiétants : le type fait des cauchemars, point à la ligne! On n'en sait autant en lisant la 4ème de couverture qu'avec le livre tout entier. Sinon il se met en roue libre de gros loser californien, et on n'en a rien à faire.
Voilà je pourrai écrire encore sur des choses que je n'ai pas aimées, mais je n'ai pas envie de perdre du temps là-dessus.
J'ai mis 5 pour l'attrait du mystère et des thématiques (vraiment peu approfondies!) qui en découlent, et l'originalité. Et aussi pour ne pas me faire écharper par les admirateurs du bouquin. Sinon ce serait 2