Ah La Marche de Radetzky... à chaque concert du nouvel an, on n'y échappe pas et c'est tant mieux parce que j'adore ce morceau de musique... Cette marche militaire composée par Johann Strauss père en 1848 en l'honneur du Feld-maréchal autrichien Joseph Radetzky von Radetz, vainqueur de la bataille de Custoza contre les Piémontais en 1848 (pas du tout copié-collé sur Wikipédia !!!)... Ce morceau rythmé et joyeux est un véritable bonheur à écouter et rappelle l'Empire austro-hongrois au sommet du sommet, aussi resplendissant que les films rose bonbon de la série des Sissi... Autant dire que le roman le plus célèbre de l'écrivain autrichien Joseph Roth fait référence par son titre identique à cette marche pour raison d'ironie...
Ben parce que l'histoire de La Marche de Radetzky version Joseph Roth est celle de la chute progressive mais inéluctable de l'Empire Austro-hongrois par le truchement du portrait de trois membres masculins d'une famille étalé sur trois générations, le grand-père, le père et le petit-fils, la famille Von Trotta...
Le lieutenant Von Trotta, fils de paysans slovènes, va voir sa vie totalement bouleversée d'une manière inespérée, grimpant sur l'échelle sociale, après avoir sauvé celle de l'Empereur François-Joseph lors de la Bataille de Solférino... une défaite... Cette élévation sociale due à la reconnaissance impériale va avoir des répercussions pas forcément des plus positives sur le lieutenant, devenu le "Héros de Solférino", et sur ses descendants, son fils, qui deviendra préfet, et son petit-fils, qui deviendra sous-lieutenant... Ces trois membres, représentant trois générations, vont, sous la figure écrasante de l'Empereur, se sentir obligés d'endosser un costume qu'ils savent trop grand pour eux et aller contre leurs aspirations profondes et leur véritable nature...
Il y a de la satire dans la vision de ce déclin austro-hongrois mais aussi une nostalgie que Roth ne parvient pas à dissimuler dans cette oeuvre... Il y a un peu de moquerie, pour cause de lucidité, envers les personnages mais jamais de méchanceté... On voit bien que l'auteur les aime et le lecteur ne peut que les aimer... Ce sont des pauvres êtres face à une situation dont ils sont conscients, que tout change mais qu'ils ne peuvent pas changer... comme l'Empereur... Comment ne pas s'y attacher ???... Et si on a un sourire moqueur de temps en temps, c'est souvent pour cacher par pudeur l'émotion qui nous envahit à cause de cet attachement...
Une oeuvre crépusculaire, qui fait penser à une marche funèbre, certes ironique, certes un peu moqueuse, mais infiniment touchante, subtile et juste.