La Maternelle
6.4
La Maternelle

livre de Léon Frapié (1904)

"Ma grand-mère elle est étendue dans l'eau salée" !!!


Virginie, la cantine ?
– Madame, maman m’avait donné mes deux sous, mais, en route, v’là papa qu’avait plus de tabac, alors, il m’a dit : « Tu raconteras à l’école que tu les as perdus. »




  • Le bien-être des parents passe avant celui de l'enfant. L'enfant doit honorer ses parents même si ceux-ci s'en servent comme d'un punching ball et qu'ils sont constamment bourrés

  • Les étudiants sortis des grandes écoles n'ont absolument aucun sens des réalités



Quel malheur, quand la normalienne ne pénètre pas dans les ténèbres des petites intelligences, ou quand elle ouvre aux enfants un aspect trop compliqué de son intelligence, à elle ! On croirait voir quelqu’un offrir de bonne foi des couleurs à un aveugle et attendre qu’il choisisse.




  • Les beaux et prestigieux diplômes difficiles à obtenir n'aident pas du tout à trouver du travail, au contraire...

  • L'école ne prépare en rien à celle impitoyable de la vie avec sa "morale" républicaine (et les élèves de cette génération seront particulièrement "gâtés" en plus avec la Guerre 14-18 !!!)

  • Les pauvres font beaucoup trop d'enfants, quitte à les laisser complètement se démerder face à la cruauté du monde, quitte même à le leur rendre un peu plus cruel en plus de les laisser crever de faim.



Mes pauvres, vous êtes si peu appétissants, si lamentables! Et vous sentez l'aigre, la crasse, le linge douteux.



Non, il ne s'agit pas de thèmes d'articles de journaux apparus récemment mais bien des sujets qu'aborde le Prix Goncourt 1904... eh oui, le Prix Goncourt 1904... la forme a totalement changé mais le fond reste malheureusement plus que jamais d'actualité. Et puis, allez aujourd'hui parler de "pauvres qui font trop d'enfants" dans un article de journal ou sur n'importe quel autre support de communication à une époque où c'est la panique générale, on ne sait pourquoi, quand dans notre beau pays notre "glorieuse" natalité a l'outrecuidance de baisser, ne serait-ce que d'0,01 % ; comme si l'être humain était une espèce en voie d'extinction. Oser en outre en afficher tout l'atavisme crasseux à base de désespoir, de négligence, d'odeurs d'alcool, de famélique et de coups, et là c'est l'autodafé médiatique garanti. Heureusement que Léon Frapié, l'auteur de ce roman, a vécu à la fin du XIXe siècle-première moitié du XXe parce qu'il ne pourrait pas le refaire aujourd'hui (et tout cela fait comprendre par la même occasion pourquoi il est si difficile de lire cette oeuvre autrement que par l'intermédiaire d'un Livre de poche imprimé en 1961 !!!).


L'histoire : une bourgeoise avec de superbes diplômes et fiancée se retrouve déclassée, et par la même occasion larguée, du jour au lendemain. Elle réussit, en cachant ses méchants diplômes de prestige, à se faire embaucher comme femme de service dans le quartier miséreux de "La Zone", qui était encore à l'époque hors de Paris et qui donc n'étaient pas encore le quartier pour bobos de Ménilmontant. Là, à travers les yeux de la protagoniste, puisque c'est elle la narratrice, on va voir ce qu'est la vie d'une maternelle d'un quartier pauvre (aujourd'hui on dirait "défavorisé" !!!) au début du XXe siècle, à travers une suite de petites scènes et de petits portraits de la vie quotidienne, avec son lot de choses épouvantables, qui seraient même insoutenables si un ton constamment et énergiquement ironique ne venait pas, avec l'aide de quelques touches d'espièglerie bienvenues, contrebalancé toute cette tragédie de tout ce que la pauvreté a de plus répulsif, physiquement et mentalement. Il y a aussi une histoire d'amour, ou plutôt l'embryon d'une histoire d'amour, beaucoup plus suggérée que décrite entre notre femme de service et un inspecteur des écoles, qui ajoute une autre petite touche de charme.


La Maternelle, une oeuvre d'une grande justesse et d'une grande richesse qui "mérite" d'être tombée dans l'oubli parce qu'elle ne fait que dire trop bien et trop haut des choses qu'il ne faudrait même pas penser à notre époque actuelle.



"Une mer est une grande étendue d'eau salée" - Ma grand-mère elle est étendue dans l'eau salée.


Plume231
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs prix Goncourt

Créée

le 28 janv. 2016

Critique lue 354 fois

1 j'aime

Plume231

Écrit par

Critique lue 354 fois

1

D'autres avis sur La Maternelle

La Maternelle
Plume231
8

"Ma grand-mère elle est étendue dans l'eau salée" !!!

Virginie, la cantine ? – Madame, maman m’avait donné mes deux sous, mais, en route, v’là papa qu’avait plus de tabac, alors, il m’a dit : « Tu raconteras à l’école que tu les as perdus. » Le...

le 28 janv. 2016

1 j'aime

La Maternelle
Wakapou
6

Oh regarde ! Un pauvre

Ouvrir un livre, surtout lorsqu'il est un peu ancien (1904 ici), c'est se confronter d'un bloc à la pensée d'un autre temps. A l'époque de « La Maternelle », le pauvre était une bête curieuse, sur...

le 11 févr. 2015

1 j'aime

3

La Maternelle
jcmaison
8

Plongée dans le début du XXème sans passer par les grands boulevards

Je ne rédigerai rien sur le thème du livre. Il suffit de lire les autres critiques pour s'en faire une idée. Pour ma part, j'ai un regard historique sur le sujet, car ma quête, au début désincarnée,...

le 20 déc. 2016

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

309 j'aime

22

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 20 juil. 2023

219 j'aime

29

Le Comte de Monte-Cristo
Plume231
3

Le Comte n'est pas bon !

Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise adaptation, il y en a des fidèles et d'autres qui s'éloignent plus ou moins du matériau d'origine. Et la qualité d'un film, issu d'une adaptation...

le 1 juil. 2024

198 j'aime

42