À partir d'un procès peu connu, Hédi Kaddour fait entrer ses lecteurs dans la Rome du Ier siècle de notre ère. L'empereur Domitien, communément considéré comme un despote, est furieux : un de ses favoris, Baebius Massa, proconsul de Bétique (Andalousie), a perdu le procès intenté par la province qu'il gouvernait, défendue par deux brillants orateurs, Herrenius Senecio et Pline Le Jeune. Tacite, un ami de Pline, a peur pour sa vie : ils ont beau être Sénateurs, occuper des postes prestigieux et servir fidèlement l'Empire, les prétoriens de Domitien peuvent frapper à tout instant.
Galerie formidable de personnages : Lucretia, amie d'enfance de Domitien et femme de Tacite, Capito, maître du courrier impérial et protecteur des Lettres, Senecio, républicain sous l'Empire, Parthenius, chambellan du Palais et serviteur de l'État, Norbanus, implacable préfet du prétoire, Domitien, bon Empereur rongé par la peur des complots. À travers eux, Kaddour propose une réflexion sur l'autorité et la liberté sous la tyrannie : jusqu'à quel point des serviteurs de l'État sont-ils fidèles à celui qui le représente, et qui peut les tuer à tout instant ?
Plongée passionnante dans le jeu politique et administratif de Rome, certes, avec une érudition et une culture impressionnantes, des citations latines fines, jamais envahissantes, mais surtout de magnifiques morceaux de littérature : la traversée de Subure par Lucretia, un banquet impérial et son face-à-face avec la maîtresse de Tacite, les hésitations de Domitien devant Pline et Tacite, une lecture publique du Satyricon de Pétrone.
Kaddour montre avec maestria la complexité de cette époque de la Pax Romana, les dilemmes moraux des serviteurs d'un État tyrannique, et les jeux d'esprit et de littérature d'aristocrates-poètes cultivés, érudits, autant en quête d'un bon mot que de survie.