Après avoir couvert le front de l’Est de la seconde guerre mondiale dans le chef d’œuvre qu’est Kaputt, Malaparte raconte dans La Peau la libération de l’Italie par les troupes américaines, auxquelles il sert à l’occasion d’interprète, de guide et d’intermédiaire.
Malaparte, c’est ce type impossible à cerner, qui passe sans sourciller des salons d’ambassadeurs aux impasses les plus sordides des bas-fonds napolitains, qui fait le baisemain à des comtesses polonaises aux accointances troubles avant de taper dans le dos d’un GI fraîchement débarqué. Un grand filou un peu ténébreux dont le charme désarme tout le monde. Kaputt et La Peau rassemblent des scènes d’une rudesse et d’une violence rares, comme autant d’anecdotes qui sont l’envers du grand mouvement de l’Histoire que l’on connaît tous. Dans la Peau, le Naples des démunis où règnent la faim et la prostitution est restitué avec tout son cortège de personnages pittoresques et déchirants.
Malaparte y dit la souffrance, la foi insubmersible et surtout la honte de toutes ces gens. La honte d’être vaincu, la honte d’avoir été du mauvais côté, la honte de devoir supporter la misère tout en remerciant quand même les Américains, ces gaillards aussi généreux qu’incultes, incapables de comprendre l’esprit européen, avec sa profondeur et sa mélancolie d’avoir déjà connu tant de ruines. C’est incroyable, c’est Malaparte.