La littérature est-elle née ainsi?!
Il est des époques où le faste des richesses, la luxure, la grandeur de certains noms nous empêchent de poser notre regard sur les acteurs de celles-ci. Il suffit alors de transcender quelques uns de ces mêmes acteurs et de les poser presque à l'état de divinité pour enfin les apercevoir. C'est ainsi que procède Mme de La Fayette pour distinguer Mme de Clèves et le duc de Nemours, elle en fait des êtres qui comme Dieu n'ont de devoir que la vertu et de la faute ne doivent pas connaître la saveur. Le livre est rythmé de la sorte, un flot d'événements où le cœur ne se doit d'être révélé (doutes, suspicions, aveu galant et rebondissements ne sortiront pas vainqueurs d'un tel combat). La torture psychique de ces deux protagonistes les maintient dans cette situation au dénouement évidemment tragique, nommons clairement ce qu'il en est!
Alors certes, Mme de Clèves aurait pu faillir à sa tâche, elle aurait pu succomber au « péché » et goûter à un amour véritable, à ce qu'est réellement la passion, comme elle en avait le droit. Pourtant ce qui lui incombe, c'est de ne pas vaciller, c'est d'entretenir un devoir moral d'une solidité terrifiante. Ainsi, elle réussit finalement ce qu'elle avait entrepris et ne cède pas à ses sentiments trop humains, trop mauvais...
C'est peut-être pour cela que ce livre a tant fait parler de lui, on a jugé ce choix démesuré et stupide, celui de s'éloigner d'un duc de Nemours diablement amoureux, mais ce qui nous gêne tous, au fond, c'est la perfection dans laquelle l'héroïne s'est figée. Elle s'est élevée du rang des mortels et est devenue un des rôles majeurs de notre littérature française, et ce parce qu'elle revêt les habits d'une sainte en qui croire. Elle représente les fondations d'un monde nouveau, celui d'une littérature qui se découvre et sans elle, les sentiments les plus mauvais n'auraient jamais été apposés sur du papier. La princesse de Clèves est morte et vive la princesse de Clèves!