En usant d'une métaphore critiquable, le célèbre dramaturge français Jean-Baptiste Poquelin dit Molière énonçait avec aplomb que "l'écriture ressemble à la prostitution. D'abord, on écrit pour l'amour de la chose, puis pour quelques amis, et à la fin, pour de l'argent". Si la forme est discutable, le message de fond porté par cet auteur du XVIIème siècle semble avoir été énoncé pour évoquer le livre La prochaine fois que tu mordras la poussière.


Ledit ouvrage est annoncé comme étant le fruit des réflexions de Panayotis Pascot. Cet humoriste de génie brillant par la finesse et la justesse de ses saillies oratoires, décide, après avoir écumé et usé les planches de stand-up, de se lancer dans la rédaction d'une forme d'autobiographie pour traiter de sujets qui lui sont chers. Durant quelques 200 pages, tout y passe. Le résumé promet d'évoquer de manière tranchante plusieurs thématiques de société dont la relation père / fils, l'acceptation de l'homosexualité ainsi que celle de la dépression. Ces différents éléments, déjà décrits à plusieurs reprises par l'auteur dans son spectacle Presque, sont ici développés avec davantage de précision dans une volonté affirmée d'observer et d'analyser son quotidien.

Partant, c'est un euphémisme que de dire que j'attendais la lecture de ce livre avec impatience. En effet, il est assez rare de voir une célébrité - même si ce mot ne veut, dans les faits, pas dire grand chose - s'épancher sur les doutes qui sont les siens. Dans une société actuelle policée où chaque mot, chaque expression, chaque action est pesée et soupesée à l'aune des réseaux sociaux, observer un influenceur livrer ses failles est une sorte de promesse qui permet au lecteur de se rapprocher, du moins mentalement, des individus qu'il connaît à travers le prisme des écrans de télévision et d'ordinateur.


Or, si la proposition était alléchante, le désenchantement n'en a été que plus important.

Panayotis Pascot, d'ordinaire si prompt à utiliser la richesse de la langue française pour mettre en lumière les sujets qui l'inspirent, semble ici se noyer dans la qualité de sa rédaction. Enchaînant tour à tour, d'une part, des phrases à l'aspect pompeux tournée dans une optique de "jouer à l'écrivain" avec, d'autre part, des expressions familières, le liseur ressort ébranlé et éprouve des difficultés à s'identifier à cet ensemble désordonné et indigent.

Si l'on ajoute à cela le nombrilisme de l'auteur qui semble incapable d'analyser l'ensemble des actions qu'il connaît en dehors du prisme de sa petite personne, on ne peut que ressentir une forme de gêne voire de peine pour Panayotis Pascot. En effet, décider, comme il le fait ici, de détruire en place publique son père sans même se remettre une seule seconde en question est d'un embarras innommable. Certes, son père n'est pas un enfant de chœur. Loin s'en faut, même ! Cependant, lorsque l'auteur est lui même capable de commettre des actes répréhensibles à base d'infidélités multiples et de comportements dignes d'un pervers narcissique, la bienséance aurait été de se calmer sur la violence des propos qu'il utilise pour dénigrer et abattre scripturalement un être de sa famille. Le lecteur ressent alors une forme de malaise croissant exacerbé par cette impression de narcissisme égocentrique qui semble coller à Panayotis Pascot comme un chewing-gum accroché à une semelle de chaussure.


Bref, l'impression laissée par le livre La prochaine fois que tu mordras la poussière est difficile à qualifier et laisse songeur. Pourquoi cet humoriste, connu et reconnu parmi les meilleurs de sa génération, s'est-il embarqué dans la rédaction d'un tel écrit, à ce point déséquilibré et à charge pour les individus qui l'entourent ? Pourquoi régler ses comptes en prenant à témoin des centaines de milliers de lecteurs alors que ces types de conflits ne peuvent se résoudre que dans la promiscuité d'une discussion ouverte et franche avec les personnes concernées ? Je n'avais originellement pas la réponse à ces questions.

Puis, après m'être penché sur ce point, je me suis rendu compte qu'à la fin de son livre, Panayotis Pascot faisait de la publicité pour son nouveau spectacle de stand-up. De la publicité dans un livre. Le ridicule de la situation est déjà important mais n'est rien comparé à la création d'une pièce de théâtre adaptée et mise en scène par Paul Pascot, frère de l'intéressé, intitulée La prochaine fois que tu mordras la poussière et basée sur le livre, objet de la critique.

Partant, voilà à quoi sert cet écrit. Il s'agit simplement d'une publicité géante servant à créer une forme de battage médiatique en faveur de l'auteur.


Avec du recul, l'autobiographie moderne semble alors simplement devenir une forme d'auto prostitution créée pour générer une machine à billets dans un contenu à l'apparence racoleuse. Finalement, Molière n'avait peut-être pas tout à fait tort dans ses propos.

xCiceron
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le 15 janv. 2025

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