Je n’irai pas par quatre chemins. Le premier livre de Damasio est un véritable pamphlet politique anarchiste où la science-fiction est une excuse au discours souvent pompeux imposé sur 600 pages. Si la Horde était un vrai prodige de littérature, celui-ci est un pavé philosophique bien trop complexe, voir indigeste, sans originalité. Le but de Damasio est bien expliqué à la fin de l’œuvre : il s’agit ici de comprendre COMMENT combattre une société de contrôle, ce qui en soi, était une excellente idée de départ. Malheureusement, si les personnages de la horde étaient charismatiques, celui de Captp n’est absolument pas abordable en dépit de sa simplicité. Amoureux fou, simple prof de philo, idéaliste et martyr, on pourrait tous s’identifier à un tel portrait de citoyen lambda, 5-lettrés et donc en bas de l’échelle sociale selon le système de Clastre de Cerclon I. Difficile pourtant de s’attacher à ce protagoniste réactionnaire, tant ses interventions restent pédantes et obscures. Les normes que combat la Volte, groupe (ré) volutionnaire, sont des plus intéressantes et peuvent tout à fait se transposer à notre époque. Pas besoin d’attendre 2084 pour se rendre compte qu’aujourd’hui, nous sommes déjà entrés dans une ère où chacun est surveillé, contrôlé et manipulé par les politiques ou les publicités, enfermé dans une cellule invisible représentée par le concept omniprésent du panoptisme. Malheureusement, les quelques interventions musclées de la Volte, apportant un peu de rythme dans ce dithyrambe saturnien, ne sont qu’un prétexte à une analyse encore plus approfondie du totalitarisme mis en place. Et là, c’est souvent trop pour le lecteur qui espère un peu plus de fiction dans le récit, et moins de sociologie. Si vous ne connaissez pas vos classiques de philo et de socialisme, accrochez-vous… C’est là le tort de Damasio. Si le style d’écriture de la Horde pouvait paraître difficile à appréhender, il n’en restait pas moins compréhensible puisque lié à des personnages. La rédaction était conditionnée à la personnalité et au vécu de chaque membre de la horde. Ici, le style est conditionné au discours même, à l’idéologie de l’auteur. Certes, la SF est un genre narratif basé sur des hypothèses, débattant sur les mécanismes de la société actuelle, future ou passée. Damasio débat bel et bien de ce que peut engendrer un système dystopique, mais il débat trop. Ce livre n’est pas simple. Bien plus imbitable que la Horde, il n’atteint pas la perfection en raison de ses longueurs où la poésie, les techniques et les sciences sont reléguées en background. Dans sa prospective, Damasio écrie beaucoup trop pour lui-même. C’est bien, il se fait plaisir. Mais quid de l’imaginaire ? Le lecteur se rend t’il toujours compte que ce qu’il lit décrit un monde imaginaire ? On croirait parfois tomber dans les méandres d’un texte de Bakounine prônant une lutte anti-bureaucrate !