Je me presse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer.
Une pièce de théâtre, qui donne comme nom pour un personnage de vieux domestique, La Jeunesse, et comme nom pour un personnage de valet niais et endormi, L’Éveillé, ne peut avoir que ma plus profonde sympathie. En fait, même en n'ayant pas encore commencé à lire le contenu même de la pièce, juste en lisant la liste et la présentation des divers personnages, on y adhère déjà.
En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à
l'intérêt d'autrui.
Première des trois pièces mettant en scène le fameux valet Figaro et toute sa clique, écrite par Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, la figure du valet futé et un rien impertinent qui arrange les affaires de tout le monde semble sorti de chez Molière (d'ailleurs l'ensemble s'inspire beaucoup de L'Ecole des femmes !) mais il a plus d'esprit et plus d'insolence ; pareil pour le personnage de jeune amoureux, le Comte, qui gagnera en complexité dans Le Mariage de Figaro, mais qui est déjà ici plus futé et plus redoutable que ses modèles, inégalable dans l'art du déguisement ; idem pour cette même pièce avec la figure de Rosine, ingénue qui ne l'est pas tant que cela, qui poussera le féministe encore plus loin. On peut ajouter aussi un antagoniste, Bartholo, un peu plus intelligent que la moyenne des antagonistes habituels de comédie.
La pauvre jeunesse est si malheureuse aujourd'hui, qu'elle n'a que ce
terrible choix : Amour sans repos, ou repos sans amour.
Il y a un tel esprit, un tel talent pour écrire des répliques excellentes, dites par un Figaro jamais en grève de verve, énonçant brillamment des vérités intemporelles qu'on a qu'une seule envie, les recopier et les utiliser comme aphorismes pour la vie de tous les jours, qu'on ne peut que savourer. Malgré quelques facilités (le fait par exemple que Bartholo s'assoupit, alors qu'il est censé être aux aguets, pour pouvoir permettre aux deux amoureux de se parler pendant le "cours" de musique !), on ne résiste pas et on ne cherche pas à résister au charme de l'oeuvre. Le mot de la fin à Beaumarchais par la bouche de Figaro...
Une bourse d'or me paraît toujours un argument sans réplique.