"Le grand roman de l'Occupation", nous promet le bandeau de l'éditeur. C'est survendu.
Et tout le problème tient à ce que le roman dément ce slogan. On ne voit l'Occupation que par la lorgnette du barman du Ritz, Frank Meier, qui compte au nombre de ses habitués le gotha de l'Allemagne à Paris, ainsi que les collaborateurs qui grenouillent autour d'eux.
(Meir est juif sans que personne le sache. Il est aussi maréchaliste, au début en tout cas, comme peut l'être un ancien combattant de 14. Spoiler : le fait qu'il soit juif ou maréchaliste n'aura aucune incidence sur l'intrigue.)
Ce n'est pas que l'œuvre de Philippe Colin soit à proprement parler mauvaise : l'auteur est consciencieux, et même si la construction du roman sent quelque peu le procédé, l'écriture des ateliers du même nom, son travail est efficace.
Mais rien de plus.
Aucune ou si peu d'émotion convoyée par ce récit. Le personnage central est un grand velléitaire, soucieux de se dissimuler (en tant que juif, donc) et de cacher ses sentiments pour une cliente somptueuse (et camée), Blanche Auzello.
Qui a existé. Caractéristique que partagent plusieurs des personnages du roman, qui fleure donc le reportage historique, si cela existe, puisque l'on croise Guitry, Jünger, Göring, Speidel, etc. Même le personnage principal s'inspire d'une des silhouettes de cette époque, certes pas un acteur de premier plan de l'histoire de Paris sous l'Occupation, mais bon, nous voilà par son entremise introduits dans cet univers du luxe et des petites compromissions morales, des « accommodements », dirait l'historien Philippe Burrin, avec le cours de cette histoire cul par-dessus tête qui, de 1940 à 1944, entraîne un certain chavirement des valeurs.
À ce compte-là, l'auteur s'applique à une précision historique digne de ses podcasts de France Inter. Oui, c'est appliqué. Non, ce n'est pas romanesque.
Car voici finalement ce que j'essayais de dire dans cette brève chronique : inscrire un récit dans l'histoire (un peu) romancée ne fait pas un roman historique. Et le souffle historique nécessiterait un souffle littéraire, grand absent du roman, qui brille si j'ose dire par la platitude de son style (si l'on excepte deux vers blancs de belle facture).