Bien du temps est passé depuis la parution de Bienvenue au club puis de Le cercle fermé. Les souvenirs sont lointains mais la sensation de plaisir à lire Jonathan Coe s'est poursuivie avec ses romans suivants. Cependant, Le cœur de l'Angleterre, qui complète la trilogie de la famille Tropper et évoque la décennie actuelle, a un goût particulier, celui de retrouver des personnages familiers et de les voir, non sans une certaine jubilation sadique, se démener avec une époque chaotique, entre la tragédie (les émeutes de 2011), l'extase (la cérémonie des J.O de Londres) et la déchirure (le Brexit). Le sujet du livre est le cœur de l'Angleterre, soit Birmingham et sa région, mais aussi un véritable chœur britannique à l'ouvrage puisque le roman accumule les personnages dans toutes les classes sociales, sans que jamais le lecteur ne perde le sens de l'orientation. Les événements mélodramatiques, comiques, absurdes, mélancoliques et délirants se succèdent montrant une fois encore la maîtrise narrative de Coe dont l'ironie et l'humour acide font toujours merveille. Plusieurs passages sont à mourir de rire comme la croisière en mer Baltique ou, plus brièvement mais spectaculairement, une étreinte amoureuse dans un placard. La politique prend beaucoup de place dans Le cœur de l'Angleterre, et cela peut poser problème aux lecteurs peu intéressés par le sujet, mais c'est toujours passionnant car évoquée de manière malicieuse. Au fond, l'amusement de Coe à écrire ce roman est incroyablement palpable à la lecture, suscitant une euphorie permanente et, incidemment, quelques fous rires. Dans le paysage littéraire actuel, où la noirceur prédomine souvent, l'auteur britannique est une bénédiction, avec cette suprême élégance de parler de choses graves avec légèreté et de choses futiles avec sérieux. Du nanan !