La littérature sudiste américaine est une production un peu à part, que ce soit dans son style ou dans ses thèmes. Ici, les petites villes mornes du sud sont au cœur du roman. Les jours brûlants s'enchaînent. Mick, possible alter ego de l'auteure, n'y rêve d'ailleurs que de neige et de glace. Les personnages, solitaires, ne savent pas comment parler aux autres. C'est paradoxalement autour du sourd-muet au nom ironique de Singer qu'ils vont graviter, fascinés par une figure en laquelle ils projettent leurs attentes. Singer, lisant sur les lèvres, va recueillir les confidences qu'ils ne savent pas faire aux autres. Ainsi, lorsque par hasard ils se retrouvent tous les cinq chez Singer, ils sont désemparés par la présence des autres.
Premier roman précoce, Le cœur est un chasseur solitaire ne manque pas de formules à l'emporte-pièce qui ne convainquent pas toujours, mais est déjà la preuve d'un remarquable sens de l'observation. Particulièrement noir, la vie humaine y est de peu de valeur, comme en témoignent les morts brutales sur lesquelles on ne s'appesantit jamais.
Le roman est traversé par des fulgurances, des passages particulièrement pertinents et/ou émouvants, comme les descriptions de l'amitié entre Singer et Antanopoulos. Sa construction très précise montre divers aspects de la vie dans ces villes du sud et le livre traite, ce qui n'a rien d'évident pour l'époque, les noirs sur le même pied que les blancs.
Découverte pour moi que Carson McCullers, dont je n'avais lu aucun livre, et qui s'avère une romancière passionnante, ce dont je me doutais déjà. Cette lecture sera donc suivie par d'autres.