Le garçon n'a pas de prénom.
A peine a-t-il conscience de lui-même alors qu'à l'âge de 14 ans il n'a connu pour tout contact humain que celui, rare, de sa folle de mère avec laquelle il a vécu, au milieu de nulle part, sans rien savoir du Monde.
Et puis la mère meurt, et le garçon est tout seul.
Cruelle ironie, ce n'est qu'à compter de ce jour que le garçon commencera à Vivre.
La vie a au moins ceci de bien c'est qu'elle déborde quelquefois de son lit. Elle emporte. Elle charie.
Et Dieu que la vie du garçon va déborder! Alors qu'il s'élance à la découverte du monde, son destin va croiser nombre de personnages extraordinaires, loufoques, terriblement attachants qui font de la première partie du livre un véritable conte initiatique.
Joseph l'homme-chêne au cœur brisé et son Gazou , esprit vide au cœur plein, alors que le garçon se retrouvera en ravi de la crèche humaine, scène d'une drôlerie rarement égalée en littérature.
Brabeck l'Ogre des Carpates, catcheur philosophe, et l'un des personnages les plus merveilleusement attachants que j'ai rencontré depuis longtemps dans mes lectures.
Et puis Emma...
L'initiation prend un tout autre sens avec Emma, et de conte l'on passe au roman d'amour, au roman érotique même.
Le garçon jouit de la vie et de tous ses bienfaits.
Et puis un jour la guerre, la Grande... Et le garçon découvre la violence.
C'est un véritable récit de guerre que nous livre alors Marcus Malte, terrifiant, incisif. On ressent tout: l'odeur de la boue, le son des balles qui sifflent, les obus qui tombent, le sang, le métal... Sur 12 pages, douze terribles pages, Marcus Malte dresse la liste des légionnaires du premier régiment étranger tombés pour la France...
Finalement, les Hommes auront eu raison du garçon.
Plus rien ne le sauvera de ces démons échappés des tranchées de morts.
Ni l'amour, ni le bleu de l'océan, ni les forêts luxuriantes de l'Amazonie, ni les oiseaux flamboyants...
Les habitudes sont tenaces mais on n'est pas obligé de vivre, on peut se contenter d'être en vie.
J'userais volontiers de superlatifs pour décrire l'écriture de Marcus Malte, mais ce serait faire outrage à la pureté et à la poésie de celle-ci.
Malte utilise l'écriture non pas pour raconter simplement une histoire, mais pour faire ressentir à son lecteur toutes ces émotions en même temps que le garçon les découvre, l'une après l'autre, du rire aux larmes, de la violence à l’érotisme...
Le garçon n'est pas exempt de toute critique, certains passage traînent un peu en longueur, mais les sensations qu'il procure sont tellement concrètes et puissantes qu'on oublie facilement ces petits défauts.
La construction même est des plus originales, mêlant conte roman d'amour, récit de guerre, roman d'aventures, le tout entrecoupé de pages d'Histoire ramenant, s'il en était besoin, le récit à encore plus de réalisme.
Assurément, Le Garçon est un grand roman.