Parmi ceux qui pensent au grand départ, à la fuite, très peu franchissent réellement le pas. Lili fait partie de ces individus rares qui, portés par une force inexplicable, abandonnent soudainement leur nid et rejoignent une terre inconnue. Le cœur de la jeune femme la porte jusqu’à la terre glaciale de l’Alaska : « the Last Frontier ».
Là-bas, elle embarque sur le Rebel et découvre le monde de la pêche, celui des marins qui chaque fois retournent en mer au péril de leur vie. Elle doit prouver que son corps frêle peut rivaliser avec la force brutale des hommes et que sa volonté est assez forte pour combattre la fatigue et la faim. Très vite, pêcher devient une nécessité : elle veut entendre battre le cœur glacial de l’océan et sentir la chaleur du poisson dans son estomac. Seule femme à bord, elle cherche à mériter sa place au milieu des hommes sans demander quelque faveur. En partageant avec eux ces batailles contre l’océan et ces nuits sans fin, elle fait des marins sa nouvelle famille.
Elle souhaiterait ne jamais s’arrêter. Courir, courir encore sans jamais laisser le confort et l’enlisement s’installer. Sans même avoir le temps de s’attacher au corps puissant du grand marin et sa peau abîmée, aux nuits dans le vieux motel et aux effluves d’alcool.. Sa quête de vie, de vérité et d’absolu la poussent toujours plus loin dans l’effort et le voyage.
Derrière le personnage de Lili, c’est Catherine Poulain qui parle de sa propre expérience. Vivant aujourd’hui avec son troupeau de moutons, l’écrivain aura parcouru des kilomètres avant de s’installer dans les Alpes. Alaska, Canada, Etats-Unis, Japon… C’est à travers le travail ouvrier que la jeune femme entreprend sa découverte du monde. Au cours de ses périples, elle ne cesse de noircir des carnets, dans lesquels elle puisera les mots de son roman Le Grand Marin.
Son écriture simple mais puissante reflète incroyablement sa personnalité. Ces phrases entrecoupées, parfois prises sur le vif, traduisent son sentiment d’urgence face à la vie qui court sous elle. Avec son premier romain, Catherine Poulain nous entraîne dans cette course effrénée pleine de poésie. Les mots bruts expriment des images puissantes, parfois violentes, mais toujours d’une grande beauté.
Se plonger dans Le Grand Marin, c’est prendre le risque d’être submergé par une pulsion de voyage. A défaut de pouvoir partir, c’est au moins l’occasion de respirer une bouffée d’air iodé et de réveiller ses instincts d’aventurier.