Le grand marin de Catherine Poulain.
Bonjour.
Ces lignes refermés sur des vies rugissantes, que reste-t-il à dire ? Que peuvent en dire des prisonniers du quotidien comme nous ? Livre de mots justes, parler de tous les jours. En phrases courtes les vagues sèches emportent le morceau, d’un coup sec, en douceur. Difficile de lâcher. On est mordu, ferré, jeté sur le pont glacé de mer, avec, à la lutte, les hommes, le poisson, cette femme et la mer. Au chaud d’un équipage. Entre deux monstres, l’océan sauvage et l’homme, le sel et l’alcool, brulants. Entre l’ordre et la mêlée. Entre l’absolue solitude des hommes et celle des éléments. Assemblage miraculeux de vies à bord d’un rafiot de papier.
Le style de grands écrivains plane derrière les lignes, montées des grandes profondeurs d’une Amérique mythique.
Tranche d’une vie de femme parmi des vies d’hommes rudes et tendres où les femmes sont si peu. Pour ne rien prouver. Juste trouver à vivre et cesser de survivre. Pour un rêve vivant sous sa peau, en quête d'une extrémité de soi. Paradoxe de la survie extrême, où toucher du doigt la vie bouillante à l’intérieur.
Faut-il déplorer le cliché du lion géant rugissant aux vagues, qui gobe la faible souris blessée, craintive, fascinée ? N’en déplaise aux walkyries, le stéréotype naïf fonctionne.
Enchainée à sa liberté d’affronter sa vie “comme un homme“ tout en rêvant d’aller “au bout d’un monde qui est rond“, qu’importe le genre de l’héroïne-écrivain.e. On ne demandera pas ses papiers à l’auteur.e. N’importe. Avec finesse, délicatesse, le réalisme y sent l’écume et la sueur de matelots visqueux de morue noire, de mer, de flétan, de bière et de rêves en or. Ça fait du bien par où ce que ça passe, sous nos climats désabusés, très occupés à compter nos retraites stériles. Au bout du compte, ce n’est plus Lili qui demande à monter à bord. Très vite, toutes pages dehors, c’est elle qui nous embarque. Merci Lili.