C’est sûr que quand on a pêché pendant 10 ans en Alaska, on sait de quoi on parle lorsqu’on veut raconter une histoire de marin-pêcheur. C’est plus surprenant d’apprendre que l’auteure est aujourd’hui ouvrière viticole et bergère… Mais soit.
Lorsque Lili, la chétive petite Française, trouve à embarquer sur le Rebel un chalutier du bout du monde, la rudesse du métier lui saute à la gorge. Ce n’est pas tant sa condition féminine que l’équipage lui reproche mais son inexpérience dans le métier. Conséquence, elle dort sur le plancher, n’aura qu’un tiers de solde et devra rembourser le matériel cassé.
Mais le moineau va s’accrocher comme sur un radeau en détresse et on partage avec elle la vie, oh ! combien rude, des pêcheurs de haute mer (pour l’image et le son cf En pleine tempête avec Georges Clooney) Mais elle va se battre et lutter pour obtenir sa place parmi les autres. Ces autres tout aussi désespérés et paumés qu’elle. Mais eux ne le savent pas.
Elle va appâter avec des calmars puants, remonter des poissons plus grands qu’elle, s’écorcher sur des urticants, se blesser, pleurer de froid, trembler de fatigue. Et puis il y a le sang, l’odeur de la poiscaille et des entrailles fumantes, le vomi, les bars enfumés, les vêtements trempés, le manque de sommeil, le manque d’amour.
On se demande non seulement ce qui peut motiver une jeune femme à supporter pareille vie mais pourquoi elle s’obstine, jusqu’à l’entêtement, à l’endurer.
A aucun moment l’auteure ne nous met sur une piste sinon que Lili veut aller au bout du monde et laisser pendre ses pieds dans le vide. On n’a donc d’autre choix que de la voir subir et endurer cette vie de forçat et quand au détour d’un chapitre on se prend à espérer pour elle un avenir moins rude avec le grand marin c’est pour déchanter aussitôt tant la fuite en avant ou le déni semblent être le refrain de ces gens de mer. Soit. Mais c’est une histoire et chaque auteur en maîtrise les composants, fussent-ils imaginaires ou pas.