Le Guépard est un roman plaisant et facile (sans que cela ait une connotation péjorative) à lire : il est aisé de s’identifier au noble Fabrizio, entier, « larger than life », et en même temps prompt à l’abstraction, qui n'est pas jaloux de ses pensées qu'il partage sans difficulté avec le lecteur, et de rêvasser à la terre brûlée de Donnafugata. Le roman est, en somme, plein d’une beauté classique, belle précisément parce qu’elle ne réfléchit pas (trop) sur elle-même – peut-être, d’ailleurs, comme le dernier des guépards.
Citation pour la route : « L’Italie était née au cours de cette soirée morose, à Donnafugata, dans ce pays oublié, aussi bien que dans la paresse de Palerme ou dans l’agitation de Naples. Une méchante fée était certainement présente, une méchante fée dont on ne connaissait pas le nom ; de toute façon, l’Italie était née et il fallait espérer qu’elle vivrait sous la forme qu’elle avait prise […] Pourtant, cette inquiétude persistante devait avoir un sens : il sentait que pendant cette trop sèche énumération de chiffres, pendant ces discours trop emphatiques, quelque chose était mort, quelque chose ou quelqu’un, Dieu seul savait dans quelle ruelle du pays, dans quel repli de la conscience populaire. »