Je le confesse, j’ai eu quelques difficultés à commencer et à finir Le Hussard sur le toit. L’écriture est très belle, parfois sublime (il y a quelques passages qui frôlent la poésie en prose) ; le propos, dans ce qu’il a de semi-explicite, est mordant et pertinent (le motif de la société mise à nu, décomposée par le choléra, rappelle tant les descriptions journalistiques de l’épidémie d’Ebola que d’autres ennemis fictionnels, comme les zombies du cinéma américain). Par ailleurs, Gioni est doué d’un talent notable pour l’implicite, ou plutôt pour le non-dit : que penser des réflexions d’Angélo sur l’engagement ? (reconnaissance de la vanité de toute action, ou nécessité de d’agir en dépit de celle-ci ?) Et c’est encore passer sous silence cette fin étonnante, où le protagoniste abandonne une femme quasi-séduite pour aller chasser d’autres chimères.
Mais c’est un peu longuet — et à la dixième description des pins, à la quatorzième bravade d’Angélo devant une énième quarantième, avouons que même le sublime devient un peu répétitif. Giono ne sacrifie pas, dans Le Hussard, aux facilités de l’ellipse : dès lors qu’Angélo est debout, nous suivons ses moindres aventures. Si bien que l’on sort avec l’idée qu’on ne pourrait pas enlever de grands épisodes (la trame en elle-même est bien menée et fait suivre au personnage un chemin assez logique) ; mais certainement aurait-on pu abréger les longues déambulations dans les bois, décrites avec tant de détail qu’on se prend à imaginer qu’il serait possible de les reproduire sur place.