Que dire sur ce classique de Marivaux? Je l'ai lu il y a plusieurs années et je l'ai relu aujourd'hui en voyant la mise en scène de J-P Rousillon de la Comédie Française en 1976. L'oeuvre est plaisante et parle d'amour avec beaucoup de galanterie. Ce ton propre au XVIIIe siècle ne vient pas pour autant ternir le modernisme de la pièce : les apparences sont-elles primordiales dans l'affection et l'attachement que l'on nourrit vis-à-vis de quelqu'un?
Là où un Alceste se fait avoir par de beaux atours, les personnages de Marivaux s'avèrent plus intelligents et usent d'un stratagème bien connu pour sonder le coeur de l'autre convoité : l'inversion des rôles et le travestissement, subterfuge Ô combien discret. Mais cela marche, et l'on se demande guère pourquoi puisque tout est déjà entendu chez le spectateur/ lecteur qui adhère à cette "illusion comique". Je crois cependant que, pour y adhérer complètement, il ne faut pas détacher l'oeuvre de Marivaux de sa mise en voix qui lui donne sa profondeur et sa qualité.
Le lecteur moderne pourrait lui reprocher la finesse excessive des tournures linguistiques des phrases, l'abus du subjonctif imparfait et un vocabulaire un tantinet suranné. Mais cela ne fait-il pas tout le charme d'une époque révolue et soucieuse de l'expression à l'heure où la nôtre se délite en grossièretés vilaines et vulgaires?
Parlons un peu des personnages :
Syliva est une jeune fille parfois agaçante mais dont la perspicacité sur la psychologie masculine est à relever. Au début de la pièce elle a une discussion avec Lisette, sa suivante, au sujet des "figures" que les hommes ont en société et avec leur femme.
Lisette, la soubrette, la femme de chambre ne manque pas d'esprit et rejoint en cela les Dorine et Toinette chez Molière. J'ai beaucoup d'affection pour ce personnage qui voit son rêve d'ascension sociale lui échapper dans la révélation finale. Marivaux défend les amours consenties mais ne défend pas pour autant les mariages hors condition.... Il est prisonnier de son temps.
Dorante est l'honnête homme brillant et raisonnable
Arlequin est trivial et s'adapte parfaitement au renversement des valeurs. C'est un personnage qui peut-être désagréable car il profite pleinement de sa temporaire position de maitre.
Monsieur Orgon est le chef d'orchestre effacé de cette mise en scène carnavalesque. Il savoure avec plaisir les emportements subis par chacun.
Mario : très honnêtement, je ne vois pas l'utilité du personnage dans l'économie de la pièce.
Je conseille cette pièce à tous les amoureux du théâtre. De quoi se replonger dans les magnifiques tableaux de Watteau ou les gravures de Callot.