A chaque fois que je lis Zweig, j'admire son écriture simple, sans esbroufe, épurée et en même temps terriblement organique et vivante. Le rythme est parfait, on ne s'encombre jamais de superflu pour aller droit à une idée, une émotion ou une situation. La construction du récit est également brillante, notamment par cette petite fausse piste du début où on nous présente un joueur d'échecs qui ne sera finalement qu'UN joueur d'échecs dans notre histoire et non pas LE joueur d'échecs.
A la relecture de la nouvelle, la similarité narrative du Joueur d'échecs avec le autres nouvelles de Zweig m'a sauté aux yeux. Tout comme "lettre à une inconnue" ou "24h dans la vie d'une femme", le narrateur n'est finalement là que pour exposer au lecteur la vie d'une personne qui se fait dévorer par sa passion. Passion amoureuse pour les deux autres nouvelles, et folie des échecs ici. Mais là, où Le Joueur d'échecs développe un petit supplément d'âme par rapport aux autres nouvelles de Zweig c'est dans son analyse de cette passion qui se transforme littéralement en maladie. La construction de cette passion dévorante pour les échecs est assez passionnante, débutant d'abord comme un échappatoire à l'isolement du héros, mais qui progressivement se mue en une obsession maladive. Mais si Zweig analyse d'une part tout ce processus, il n'en oublie pas moins de mettre en lumière en arrière plan les méthodes de torture psychologique des nazis à son époque.
Bref, Le joueur d'échecs est une nouvelle admirable. Simple d'accès, remarquablement bien écrite, profonde, accrocheuse... elle fait clairement partie des meilleures choses écrites par Stefan Zweig.