"Le Meilleur des mondes", oeuvre de science-fiction datant de 1931, projette un futur régi par l'eugénisme. S'y cotoient des bébés éprouvettes calibrés en laboratoire pour répondre à des normes suivant la classe sociale visée, des enfants soigneusement conditionnés à se conformer et se contenter du système en place, et des moeurs, tabous et loisirs imaginés pour approcher l'espèce humaine d'une certaine forme de perfection : pas d'affect ni d'émotion violente, pas de couple, pas d'enfantement, pas de libre-arbitre.
Beaucoup de pistes sont évoquées par Huxley, sans pour autant qu'il prenne le temps suffisant pour les explorer toutes dans leur complexité. J'ai eu parfois l'impression que l'auteur précipitait l'atteinte des limites pour valoriser le contraste entre ses personnages, empêchant de goûter à la multiplicité d'implications du moindre élément social différant des nôtres.
On peine à s'attacher à des personnages plutôt unilatéraux, et avec des perspectives d'évolution au fil de l’œuvre bien limitées. J'ai pourtant apprécié la bascule d'un univers à l'autre au coeur de l'intrigue, qui ouvrait soudainement la comparaison entre la science glacée et l'animalité de l'humain ; j'ai aussi aimé les pistes philosophiques proposées par les derniers dialogues. Huxley aurait les clés pour défendre ce "meilleur des mondes" de manière tout à fait pertinente, et je suis frustrée qu'il ne soit pas allé plus loin dans la justification pour provoquer plus encore de doute et de questionnement au lecteur.