La science, le savoir et le pouvoir au centre des convoitises
Le Nom de la rose, que j'ai d'abord connu grâce à l'adaptation de Jean-Jacques Annaud au cinéma (1986), brille par son originalité. Umberto Eco, grand théoricien en sémiotique, a réussi, en 1980, à écrire un grand roman policier dans un français aux tonalités médiévales. Tiré du manuscrit de Don Adson de Melk, traduit par Don J. Mabillon en 1842, célèbre moine bénédictin et historien français, le roman d'Umberto Eco revêt le mystère des "histoires vraies".
En l'an de (dis)grâce 1327, l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville, accompagné de son secrétaire Adso, se voit prié par l'Abbé de découvrir qui a poussé un des moines à se fracasser les os au pied des vénérables murailles de l'abbaye. Guillaume de Baskerville, c'est parfaitement l'esprit britannique de Sean Connery, aucun doute ! Un esprit érudit à la Sherlock Holmes, dont le jeu préféré est la logique.
Le Nom de la rose est un passionnant portrait de ce Moyen-Age, si riche en sciences et en savoirs, contrairement à ce que notre ami Voltaire et l'Ecole ont bien voulu nous laisser croire. Le personnage de Guillaume de Baskerville, avec ses verres admirables qui lui permettent de mieux lire les manuscrits, en est le symbole. Disciple de Roger Bacon, il applique et joue avec la logique et les syllogisme, ce qui rend ses déductions délicieuses et vibrantes.
L'abbaye et sa mystérieuse bibliothèque, qui fait venir les moines du monde entier, montre la richesse des échanges intellectuels de cette époque. C'est un bouillonnement culturel au sein du monde monacal avec le latin comme langue commune, comme l'est l'anglais de nos jours.
Pourtant, Le Nom de la rose met surtout en scène une période sombre de la chrétienté. Le paysage religieux de ce début du XIVe siècle peut en désorienter plus d'un. C'est une réelle vision apocalyptique, une chasse aux aux "hérétiques" commandé par le pape, reclus en Avignon. Cette histoire se défait formidablement de la vision de l'Eglise "neutre" de nos jours.
"L'Antéchrist peut naître de la piété même, de l'excessif amour de Dieu ou de la vérité, comme l'hérétique naît du saint et le possédé du voyant. Redoute, Adso, les prophètes et ceux qui sont disposés à mourir pour la vérité, car d'ordinaire ils font mourir des multitudes avec eux, souvent avant eux, parfois à leur place." (Guillaume de Baskerville)
Ce discours vous paraît familier ?
En tant que chercheur en sémiotique, Umberto Eco n'a pas seulement utilisé les citations latines pour donner cette tonalité médiévale au roman policier. Ce sont des tournures de phrases et les constructions même du roman qui nous plongent dans l'univers de l'abbaye. Donc n'ayez pas plus peur du latin ! Cependant, si vous hésitez à lire cette version qui comprend de nombreuses citations latines, Umberto Eco pense à rééditer bientôt son roman en le simplifiant.
Bonne lecture !