Je suis sidéré par la vacuité de ce livre. L'éditeur le présente comme un roman ; il ne l'a sans doute pas lu et il a raison : l'auteur raconte ses souvenirs d'enfance. Bon, pourquoi pas, certaines de mes autrices préférées l'ont fait (Chantal Thomas, Annie Ernaux...), le problème de ce livre est qu'il n'y a pas de travail littéraire. L'auteur raconte sa vie comme ça lui vient, parle de ses parents, son école, la campagne wallonne des années 80, ses oncles, ses tantes, la guerre, saute de l'un à l'autre, revient, avance. Parfois ça lui vient beaucoup alors le chapitre fait une page et demie. Plus souvent, à peine une demie page - la fréquence élevée à laquelle il faut tourner les pages ajoute sensiblement à l'énervement provoqué par la lecture. J'admire Verdier de publier ce livre sous cette forme, on se dit que finalement le monde de l'édition ne va pas si mal.
Contrairement aux autrices citées plus haut, Wauters se contente d'écrire au 1er degré, sans essayer d'inclure son lecteur, sans lier son histoire personnelle à quelque chose qui la dépasse, la transcende, et justifie qu'on s'y intéresse : l'histoire, la société, la littérature. C'est un peu comme si Les Années d'Annie Ernaux avaient été dépouillées de toute l'ambition et le talent littéraire de son autrice. Il nous reste un diaporama de l'époque et des souvenirs enfantins. Bon.
Je crois déceler une vague ambition poétique. Saisir quelque chose de l'enfance, de la fugacité du temps qui passe, du pouvoir des mots et du devenir-écrivain. Mais là encore on a l'impression d'être pris pour des idiots, l'auteur explicite en permanence le peu de non-dits, de subtilité qu'il introduit, il précise tout, là où la littérature est justement l'art de la suggestion. À la fin du livre :
Il est amusant de constater, alors que je place les dernières pièces de ce puzzle, que ce qui a tué mon enfance (les mots) m'a également sauvé la vie. (237)
Pourquoi préciser "les mots" entre parenthèses ? On avait compris, au bout de 200 pages, on avait réussi à glaner ici ou là des miettes de réflexion littéraire. Mais non. Le moindre effet littéraire ou poétique est désamorcé et c'est tellement frustrant. Autre exemple, dans une page sur son oncle Jacques, qui écrivait des lettres au jeune Antoine, on peut lire en conclusion :
Quand j'ai commencé la philosophie, il m'a écrit ceci sur une carte de vœux : "Quand on cherche quelque chose, c'est que, quelque part, on en a le souvenir, c'est que ce quelque chose a existé et peut encore exister." Ça aussi, c'est si vrai. (140)
Plutôt que de laisser son lecteur méditer sur les réflexions métaphysiques improbables de l'oncle, l'auteur se sent obligé d'en rajouter une couche, de montrer qu'il est bien là, que c'est lui l'écrivain. Que ses personnages ne méritent pas d'exister sans lui. C'est un carnet de souvenirs personnels vendu comme un roman. Très peu pour moi.