Voulez-vous lire un roman sur l'origine du christianisme ?
"Le Royaume" n'est pas pour vous. Vous serez déçu par le narcissisme de l'auteur, son obsession à parler de soi. Et ce, de la première phrase du livre ("Ce printemps-là, j'ai participé au scénario d'une série télévisée") à la dernière ("Je ne sais pas"). Toute la première partie raconte ses rapports personnels avec le christianisme. Comment il a traversé une crise profonde, qui aboutit à sa conversion pendant trois ans.
"Le Royaume" semble être une autobiographie, mise en perspective par l'histoire. Il y est moins question d'apôtres, d'évangélistes ou de Ponce Pilate que d'Emmanuel Carrère. EC dans sa vie d'écrivain, de couple, hésitant entre la messe quotidienne et les séances de psy. EC et ses livres : "L'Adversaire", "Un roman russe", "Philip K. Dick", etc. Emmanuel Carrère s'appuie sur l'œuvre d'Ernest Renan ("Vie de Jésus") pour mieux comprendre Paul ou Jean, mais aussi mieux se comprendre lui-même.
L'auteur fait son marché dans l'histoire biblique. Il privilégie Paul pour ses voyages, son prosélytisme, son incessante activité. Il suit Philippe et surtout Luc, dont il se sent proche. Les personnages de Pierre ou de Jean sont peu développés.
EC s'intéresse aux idées, aux textes, aux rivalités entre Paul, le nomade, et Jacques, responsable des Chrétiens de Jérusalem... Les citations de lettres de Paul et de paraboles selon Mathieu sont remarquables. Il compare les Évangiles, donne son point de vue personnel en cas de désaccord entre elles. Il imagine certains faits quand les textes restent vagues ou muets. Il s'appuie sur Philon d'Alexandrie pour expliquer les miracles de Jésus, sympathise avec Flavius Josèphe, historien de "La Guerre des Juifs".
Peu à peu, la somme d'informations collectées s'avère considérable.
En réalité, Carrère n'obéit qu'à sa fantaisie. Trop subjectif comme romancier. Historien féru d'anachronismes, il ignore tout ce qui ne l'intéresse pas. Comme enquêteur, il manque de rigueur, invente au besoin des éléments. Narrateur, il se complaît à parler de soi, comme dans tous ses derniers livres. Un public nombreux aime ce type d'écrits autobiographiques. Qui l'aime le suive.