Histoire d'un aller-retour
Le Seigneur des Anneaux est, comme beaucoup l'ont fait remarquer dans leurs critiques, une œuvre qui se renouvelle sans cesse au fil des lectures.
Je viens donc d'achever ma troisième relecture, et l'heure de dresser un bilan s'impose. D'abord, il est évident que l’œuvre n'est pas accessible de prime abord. Le style est lourd, les descriptions sont légions et il ne se passe pas grand chose la plupart du temps. Je me rappelle avoir été très déçu lors de ma première lecture, ayant forcément en tête les adaptations de Peter Jackson, plus blockbuster que contemplatives, comme l'est le livre. Le premier des six livres est ainsi très rébarbatif. Certes les passages chez les Hobbits sont amusants et permettent d'entamer l'aventure joyeusement, mais tout le reste... Dieu que c'est long et décourageant de voir sur la table des matières des centaines de pages consacrées à l'exploration de forêts et de bois. Bizarrement, durant cette relecture, j'ai pris un assez bon plaisir à suivre cette aventure-là, l'aspect onirique facilitant bien les choses (les Elfes, Tom, les Galgals, etc.).
L'aventure ne commence vraiment, tant scénaristiquement que du point de vue de l'enthousiasme à la lecture, qu'au livre II, à partir du conseil d'Elrond. Les paysages défilent et certains passages sont vraiment marquants, en particulier la Moria et toute sa mythologie décrite et analysée de long en large.
Les livres restants sont eux aussi captivants et là encore, je me suis surpris à beaucoup les apprécier, bien plus en tout cas que je ne l'avais fait auparavant lors des lectures précédentes.
Ce qu'il y a à en dire est que globalement, Tolkien préfère faire vivre son univers que ses personnages, c'est évident. Hormis Aragorn et Gandalf, les autres sont à la limite du banal, sans que l'on éprouve quelque empathie pour eux. En revanche, pour les descriptions et narrations de paysages, là, oui, on y est en plein dedans. La Terre du Milieu est fascinante de profondeur et de réalisme. Les tableaux et appendices présents à la fin du Livre VI sont une mine d'or pour quiconque s'est intéressé à la mythologie de Tolkien, rappelant tous les évènements des Second et Troisième Ages, voire même au-delà des aventures de la Compagnie de l'Anneau. Y sont également consignés les généalogies des Nains, Hommes et Hobbits, en long, en large et en travers.
En clair, j'apprécie de plus en plus Le Seigneur des Anneaux comme il est, et non plus comme je voudrais qu'il soit, à l'instar des films qui m'ont évidemment marqué. Comme l'aventure de Frodon, c'est une longue et épuisante lecture, un voyage émerveillé dans des terres désertes, où la mythologie prend le pas sur le réel et qui fait sans doute que l’œuvre se renouvelle d'elle-même à chaque lecture. De la fin de l'Anneau au retour de Sam, j'ai apprécié plus que je n'aurais jamais pensé le faire, avec une émotion importante pour une telle lecture que même moi supposait rébarbative...