C'est l'histoire d'une femme, animée par la rage, qui demande réparation pour son sexe, et cherche à se sauver.
Ainsi se clôt ce livre tour à tour drôle et insupportable. La quatrième le présente comme "iconoclaste", souligne son "audace", pourtant le texte d'Anne Akrich, hormis le premier tiers, drôle et émouvant, coche toutes les cases des idéologies du moment dans le sens du vent.
C'est en effet le livre post-MeToo d'une femme qui a dû subir (et dénonce comme vérité générale) les assauts sexuels et le désir incontrôlé des hommes depuis toujours, qui se sent coupable du viol de sa sœur par son oncle et dont la tragédie intime aura été de se faire doigter par un masseur tunisien à son corps défendant dans un hôtel 5 étoiles à 32 ans.
Tous les hommes pensent que leur désir fait loi et que leur pulsion est trop puissante pour ne pas être réciproque.
Anne Akrich n'est tombée manifestement que sur des connards rustres et beaufs (du genre à la pénétrer ou la lécher dans son sommeil, à la forcer à la sodomie ou à clamer en public leur envie d'être dans sa bouche) et en tire une règle absolue : tous les hommes sont ainsi, qui n'attendent qu'une occasion pour violer le premier "trou" qui passe. Ce que ne saisit pas Anne, c'est que la majorité des femmes n'a jamais été violée, que nous n'avons, pour beaucoup, jamais eu à nous plaindre d'être agressées sexuellement par quiconque. Pire, je lui dirai que beaucoup ont souffert.. de l'indifférence masculine, ce qui est peut-être pire ! Possible aussi que le risque d'agression soit augmenté par la "désirabilité", la beauté d'une femme. C'est un des inconvénients des physiques avantageux. On m'a souvent répété "Si tu as beaucoup reçu, il te sera beaucoup demandé". Allez, sèche tes larmes, Anne : avoir été moche et repoussée par les mecs est aussi (sinon plus) douloureux et traumatique que d'avoir eu à supporter les vagues incessantes de leur désir.
"Le sexe des femmes" (et son sous-titre à la Barthes, "fragments d'un discours belliqueux") est un mélange souvent indigeste, parfois verbeux (rien que les titres des chapitres, inutilement alambiqués) entre des réflexions sur la vulve, le sexe et le plaisir féminins, leurs mystères et leur puissance (la meilleure partie), puis une pénible dérive vers le pamphlet "féministe" androphobe pro-LGBT ("ouais, les Oscars ne décerneront de récompense qu'aux œuvres que si elles sont inclusives et montrent des minorités discriminées, c'est trop génial, et puis si vous aimez pas les trans et le wokisme, c'est juste que c'est nouveau, que vous êtes allergique au changement, bande de gros fachos, en plus de ne pas "réfléchir" beaucoup..)
Car Mme Akrich - qui a le même âge que moi - sait mieux que tout le monde (et surtout mieux que les hommes, ces vilains méchants prédateurs, et mieux que les débiles générations précédentes, muettement écrasées par le "patriarcat") ce qu'est la vérité et la bonne direction sociétale à prendre pour parvenir à l'égalité (lol). Elle trouve très bien de "déconstruire" les hommes pour en faire des néo-femmes (à barbe ?). L'arrogance, la suffisance et la prétention qui transpirent des deux derniers tiers de cet essai m'a laissée pantoise.
On pleurerait presque en lisant que cette pauvre Anne (qui n'est pas "belle" mais "renversante", selon ses dires, tranquilles les chevilles) a dû lutter pour écrire et se faire une place, creuser son trou.. Sortez les mouchoirs.
Et madame ne se prend vraiment pas pour de la merde. Certaines réflexions ne peuvent s'accueillir qu'avec un petit soupir de mépris pour celle qui se hausse sans arrêt du col :
Au lieu d'apprendre à dire les choses telles que je les ressentais, au lieu de faire de la vérité l'accomplissement de ma parole, j'ai fait de l'autodérision une arme, de la douceur un glaive, du sourire une insulte.
Non contente d'être une splendeur ressemblant à "Ava Gardner" (sic), Anne confie être aussi extrêmement "intelligente" (sic), autant d'handicaps (snif) quand on veut exercer une profession intellectuelle, celle d'écrivain. Madame se garde bien de préciser qu'elle est la compagne du directeur des éditions Grasset ce qui doit un tout petit peu aider à être reconnue pour son "talent"...
Il serait avantageux de pouvoir formuler la vérité de temps à autre. Mais le concept de ne-pas-pouvoir-dire-certaines-choses a été insufflé aux femmes depuis l'olympe des hommes. En revanche, les hommes ne voient aucun problème à nous lancer pendant un dîner : "J'ai envie de mettre mon sexe dans ta bouche." (...) [Ma génération] de filles est celle qui est souvent réveillée par des garçons jugeant généreux de prodiguer gratuitement un détartrage des gencives avec leur gland. Nous ignorions que nous étions autorisées à dire quelque chose ! Toutes ces nuits à se demander ce qu'on avait fait au bon dieu pour mériter ça. Se faire bifler pendant qu'on s'endormait (...)
Ras-le-bol qu'on confonde l'impudeur et l'audace. Il n'y a RIEN de transgressif, de subversif à déballer sans vergogne ses expériences sexuelles. Tout le monde le fait, c'est justement devenu banal et in fine, assez peu ragoûtant, cet étalage d'intimité anatomique. Je me fous complètement de la vie de ton vagin, Anne, mais vraiment.
Non, ce n'est pas parce que tu vis entourée de grossiers personnages basiquement machos que tous les hommes sont à ranger dans cette catégorie. Pauvre chatte. Pareil, ta description de l'accouchement, tes réflexions sur la maternité sont le signe d'une immaturité absolue. Non, c'est pas une boucherie monstrueuse de donner la vie et non les pères ne sont pas tous des lâches qui se plaignent de ne pas dormir. Y a des mecs bien, dommage que tu n'en aies pas croisés.
Ça tire à boulets rouges et à la sulfateuse sur des cibles faciles, ça enfonce des portes ouvertes en se prenant pour une révolutionnaire : t'es un con si tu laisses des avis négatifs sur TripAdvisor, t'es un con si t'aimes pas les wokes, t'es un con si t'es un mec, t'es une conne si t'es pas féministe comme elle etc. Voilà ses conclusions, grosso modo.
Heureusement, Anne Akrich, belle et brillantissime, a une chance : elle est dépressive, tendance suicidaire. Ouf, sinon, c'eût été insupportable ! Nous voilà sauvés, le mannequin intello est torturé, tout en semblant avoir une très haute idée de son "art", tendance auto-destructrice. Ça fait punk, no future, écrivain maudit, tout ce qu'on aime :
Je voudrais cesser de vouloir mourir (...) Je devais écrire avec précision ce que je ne savais pas nommer, avec un réalisme obsessionnel. Comme quelqu'un qui voudrait s'opérer lui-même à cœur ouvert, avec une violence à l'égard de soi proche de l'asphyxie.
Anne Akrich a sans doute pensé que c'est qu'on attend des femmes urbaines et modernes d'aujourd'hui, ce cocktail de rage misandre et de dépression chronique (ceci expliquant peut-être cela). J'ai trouvé assez cocasse sa démonstration du caractère parfaitement normal des trans : durant son enfance à Tahiti, Anne a fréquenté de ces eunuques des îles, colosses habillés en femmes que tout le monde acceptait très bien.
Bon, je t'explique, Anne :
- c'est une tradition tribale, rien à voir avec la propagande et le prosélytisme médiatique pro-trans en Occident envers la jeunesse qu'on pousse à choisir son sexe comme au McDrive
- est-ce que ces individus subissaient des opérations barbares de changement génitaux ?
Démonstration donc parfaitement ridicule, Anne comparant des réalités incomparables.
Viol conjugal, désir en berne après quelques années, ennui de la sexualité quand on a déjà tout vécu (et qu'on est capable de multi-orgasmes, comme elle), "zone grise" du consentement (où, selon elle, on relègue les femmes pour qu'elles réfléchissent à leurs actes) (n'importe quoi), tout y passe et se change en une mélasse pseudo-intello con-sensuelle et stupide, manichéenne et binaire qui ne fait pas avancer le schmilblick d'un iota (le fait même plutôt reculer, la haine polarisant les positions). Le mépris des hommes véhiculé par ce texte est tout simplement imbuvable. Une dernière citation édifiante.
Force est de constater que les hommes ne sont pas très futés quand il s'agit d'analyser les données. Par bêtise ou surdité volontaire, souvent la scène se déroule ainsi, une fille qui dit non de tous ses membres et ses yeux et un mec, la tête dans la lune : Oups, pardon, je n'avais pas vu qu'il s'agissait de ton anus, attends, ça ne rentre pas, je vais forcer un peu, oups, quoi, aïe ? Non, pas du tout, détends-toi, t'inquiète pas, ça fait pas mal.
Voilà le degré de vulgarité crasse de ce livre pourtant acclamé par la presse comme un travail de dynamitage des préjugés et une manière "audacieuse" de repenser les relations hommes-femmes. Le pire, c'est qu'elle interdit à son lecteur de juger qu'il s'agit là d'expériences "subjectives" qui auraient pu être vécues totalement différemment (son "viol" tunisien compris) par d'autres femmes qui n'auraient pas eu la même vie qu'elle. En gros, pour résumer : tu as été violée ou ta sœur l'a été, tu vomiras ta haine des hommes et en feras tes ennemis jusqu'à ton dernier souffle. Incapable de comprendre que TON expérience n'est pas L'Expérience-étalon de toute femme.
Anne ferait bien de s'appliquer ce conseil à elle-même :
La réflexion, parce que ça demande de réfléchir. Un truc pas facile.
Mon ordonnance face à tant de bêtise décomplexée érigée en subversion, de certitudes d'avoir raison, d'agressivité et de réflexions con-sensuelles : je prescris à Anne une cure de films des années 70, de l'excellent "Calmos" à "Nous irons tous au paradis", ça devrait lui remettre ses pendules à l'heure.
Globalement affligeant.