Ecrire, c'est poser ses expériences personnelles pour en faire quelque chose d'universel. Misima l'a dit; Les Amours interdites est le roman où il a mis le plus de lui même.
On y retrouve les thèmes fétiches de Mishima: beauté, perversité, cruauté envers ses personnages, vanité de la condition humaine. Dès les premières pages on devine la totalité de la trame de l'intrigue: un très beau jeune homme, naïf et innocent, se verra corrompre par un Faust japonais. Shunsuké et Yûichi sont des antagonistes. L'un est laid et attire le mépris. L'autre est lumineux et adoré de tous, peu importent ses actions. C'est pourtant Shunsuké qui gagnera à la fin. Car, en dévoilant à Yûichi sa beauté, en l'entrainant dans sa quête hédoniste, il détruira le jeune Yuichi pour en faire un homme nouveau, entre égocentrisme et médiocrité.
C'est là le drame que décrit par Mishima; au cours du récit Yûichi devient progressivement vide, incapable de la moindre affection profonde pour quiconque se trouvant sur son chemin, ni passion d’aucune sorte. Sa femme est un accessoire utile, ses partenaires masculins ne sont que d'agréables passades sans lendemains. A force de manipuler et d'être manipulé, Yûichi est devenu un maitre en la matière, traitant chacun comme un objet.
Tout sera pardonné à Yûichi; sa beauté le préserve des jugements d'autrui. Néanmoins, personne . L'admiration étant le sentiment le plus éloigné de l'acceptation, personne ne viendra s’intéresser à Yûichi, qui restera donc, à jamais seul, perdant peu à peu sa beauté juvénile, qui se transformera surement en Shunsuké, un vieillard aigri, regrettant d'autant plus sa jeunesse que lui, était véritablement admiré. Même si il s'en sort bien à la fin du roman, nul doute que Yuichi finira par la vacuité de son existence.
Le tout est emballé dans un style exquis. Une prose élégante, sans lyrisme, mais o combien sensuelle et mélancolique. Mishima est un expert pour faire ressentir la joliesse vénéneuse de ses personnages.