Huck Finn est une œuvre qui cumule une quantité innombrable de qualités, autant sur le fond que sur la forme. Valsant parmi des thèmes souvent sombres et sérieux en y apportant le regard innocent d'un enfant, tout en étant sublimement bien écrit, il est difficile de ne pas faire l'éloge de ce classique amériain.
À lire en anglais, et éviter les traductions, qu'il s'agisse des meilleures ou pas. Mieux vaut s'éviter la lecture de Huck Finn que de manquer la richesse de son parti pris. Écrit en argot du vieux sud des États-Unis, un enfant de douze ans nous parle, avec un naturel rarement égalé par d'autres auteurs.
Les deux thèmes phares de Huck Finn sont entremêlés d'une façon assez impressionnante : l'amitié et le racisme. Huck, simple enfant, se lie d'amitié avec un esclave noir en fuite. Le livre a, sans surprise, été victime d'une polémique sans pareille dès sa sortie, lui valant d'être censuré encore aujourd'hui dans certains états. L'emploi du mot "nigger" par Huck étant pour certains le centre des reproches que l'on peut attribuer au livre, le plus notable reste pourtant le portrait de Jim, portrait peint par un auteur blanc, et donc d'un noir trop stéréotypé et caricatural.
Cependant, un tel portrait est seyant dans l'œil de Huck, de même que tous les autres personnages seront esquissés naïvement, les mettant rarement en valeur. Le seul juge ici est un enfant, qui questionne et décide par lui-même ses propres lois, indépendamment de ce qui lui a été dicté. Complice de la fuite d'un esclave, lorsque Huck se rend compte des conséquences qui pourraient l'accabler, à savoir finir en enfer, que répond-il ?
« Très bien, j'irai en Enfer. »
Huck Finn est cet enfant qui balaie de lui-même les idées reçues et fuit les règles qu'on lui impose en même temps qu'il fuit aux côtés de Jim. N'ayant grandi qu'à l'écart de la société, y rester ne l'inquiète pas. Cette invitation à la remise en question est d'autant plus sincère qu'elle vient d'un gamin futé, à peine capable de lire, et pourtant faisant preuve d'une capacité de réflexion bien supérieure à ses apparences.
L'ironie du sort de Huck Finn, plutôt que d'être dans son récit, s'est trouvée dans sa réception : la censure.
Ce récit est une ode à l'amitié, une grande aventure d'un enfant qui baigne dans une Mississippi de thèmes trop sombres pour son âge, mais qui les traite de façon décomplexée et avec justesse.