Attention, chef d'oeuvre! Ce classique de la littérature allemande raconte l'histoire d'une famille de négociants de Lübeck que l'on suit sur plusieurs générations, dans leur splendeur puis dans leur déclin. De Johann, le solide fondateur de la firme, à son descendant Thomas, dont la raison d'être est la prospérité de sa lignée, le sens des affaires est conservé intact. Mais entre mauvais mariages, maladies et coups du destin, la fortune des Buddenbrook se trouve en péril. Et comment Hanno, le petit musicien sensible et maladif, pourrait-il sauver son lignage?
J'ai lu ce roman de 750 pages en 8 jours, avec une grande intensité et sans m'ennuyer un seul instant. Le style de Mann est d'un réalisme minutieux mais sans lourdeurs. Il me semble qu'il a un grand talent de conteur, et le don de faire voir les scènes et les lieux évoqués, sans tomber dans un inventaire pesant. On en apprend beaucoup sur le train de vie somptueux des bourgeois de la Hanse, et en filigranne sur l'histoire allemande au 19ème siècle. Les personnages sont très convaincants, bien caractérisés et humains. C'est sans doute parce que l'auteur s'est inspiré de ses proches et de sa propre enfance pour dépeindre les Buddenbrook. L'orgueil filial, le dévouement à sa Maison et à l'entreprise de ses ancêtres est la vertu suprême dans cette dynastie marchande, quitte à sacrifier tout bonheur individuel. Les liens familiaux sont décrits avec beaucoup de subtilité: ainsi j'ai trouvé les relations entre Thomas et Hanno particulièrement touchantes car on sent à quel point le père voudrait se rapprocher de son fils, sans pourtant parvenir à entrer dans son monde. Ce roman appartient au courant naturaliste et, comme Zola, Thomas Mann y traite de l'hérédité, mais sans donner dans le sordide. J'ai aussi adoré la dimension symbolique du livre et le fait que celui-ci soit impeccablement construit pour nous faire comprendre, touche par touche, la décadence de cette famille, jusqu à la désagrégation finale.
En bref ce roman est l'un des meilleurs que j'aie lus ces dernières années, il m'a réconciliée avec la littérature germanique.